Du De humani corporis fabrica, l’ouvrage d’anatomie qui se contenta juste de révolutionner la médecine, les rares premières éditions à paraître en ventes publiques atteignent immanquablement des sommets. En mars 1998, chez Christie’s New York, l’exemplaire qui aurait été dédié par son auteur, le physicien flamand André Vésale, à l’empereur Charles V lui-même, avait frôlé 1,7 M$. Celui que Bonhams propose en ce mois de mars, lui aussi publié par Johannes Oporinus à Bâle, en juin 1543, a été vendu par l’auteur lui-même à son grand ami, le physicien et astrologue d’Augsbourg Achilles Gasser (1505-1577), lequel a signé et annoté la page de titre, en précisant l’avoir récupéré à Feldkirchen, en Bavière, le 24 octobre 1543, pour un prix de 5 florins. L’érudit l’a ensuite offert en 1566 à un autre ami physicien, Jeremias Martius, avant d’aboutir à la bibliothèque de l’université de Pittsburgh, puis dans les mains du collectionneur dont Bonhams disperse aujourd’hui environ quatre cents ouvrages et documents relatifs à l’histoire de la médecine : W. Bruce Fye. Éminent cardiologue américain retraité, historien de la médecine reconnu et auteur de plus de cent articles et plusieurs études, W. Bruce Fye a notamment présidé le Collège américain de cardiologie et l’Association américaine de l’histoire de la médecine. En un demi-siècle, il avait rassemblé plus de quinze mille ouvrages de référence sur le sujet. C’est donc avec une honorable provenance que cet exemplaire du De humani corporis fabrica s’apprête à être jugé des amateurs. Ses quelque deux cents gravures sur bois reflètent le talent du ou des étudiant(s) vénitien(s) de Titien, auxquels elles doivent être attribuées. Grâce aux instructions précises de Vésale, chacune correspond parfaitement au texte qu’elle accompagne. L’ensemble forme un traité de l’observation empirique que, depuis l’université de Padoue, le jeune professeur de chirurgie de 29 ans exhorte ses confrères à adopter, en lieu et place de l’enseignement traditionnel hérité de… la Grèce antique ! Son grand principe, la dissection de première main, a toujours cours aujourd’hui.