Un gothique multiple

Sur les genoux de la Vierge, au visage dissimulé par un voile, repose le corps du Christ ; sa tête est soutenue par la main gauche d’un saint Jean particulièrement ému, en contrepoint d’une Madeleine richement vêtue, dans une attitude de recueillement. Au vu de sa provenance et de ses similitudes avec l’œuvre de Hans Klocker (avant 1474- après 1500), il est légitime d’attribuer la paternité de cette composition à la Souabe, une région historique du sud de l’Allemagne qui vit naître, entre 1460 et 1530, une production sculptée abondante et d’une haute qualité, dans des centres urbains tels Ulm ou Augsbourg. Le musée de Cluny lui a consacré, en 2015, une exposition complète, rappelant par la même occasion la richesse des collections publiques françaises dans ce domaine. L’utilisation du bois, les plis, nombreux et cassants, la polychromie, ainsi que le style, davantage rattaché au gothique tardif qu’aux motifs italianisants inspirés de l’antique, sont des caractères communs à cette Pietà et aux créations de Souabe. Cependant, on devine ici l’influence du Maître Arnt von Kalkar (1460-1492), l’un des sculpteurs les plus importants du Bas-Rhin, dont le style s’ancre davantage dans la tradition bruxelloise, anversoise ou utrechtoise. Que l’on opte pour l’une ou l’autre des hypothèses, on ne peut guère retirer ses qualités à ce fragment de retable, dont l’expressivité des personnages s’inscrit dans une pratique de dévotion ostentatoire que dénonceront, à partir de 1525 environ, les réformateurs et iconoclastes.
Une critique qui forcera les artistes à adapter leur production.