Le Bon, le Téméraire et le chancelier» : le titre évoque celui d’un western. Mais les visiteurs se retrouvent immergés dans l’Europe médiévale, au XVe siècle, lorsque la cour de Bourgogne dominait l’Occident. Une glorieuse période concentrée autour de Philippe le Bon (1396-1467), à qui succéda son fils Charles Le Téméraire (1433-1477), et de Nicolas Rolin (1376-1462), fondateur des Hospices de Beaune qui occupa la haute fonction de chancelier. Pour l’événement, deux cents pièces, parmi lesquelles cent-vingt provenant de Belgique, ont été réunies sous la houlette de Philippe George, ancien conservateur en chef du trésor de la cathédrale de Liège, dont il faut saluer la performance (voir Gazette n° 44 de 2021, page 251) : en effet, l’exposition, initiée début 2021 par la Ville pour relancer la culture après la pandémie, a été bouclée en neuf mois. Elle se déploie sur trois sites, les Hospices, l’hôtel des Ducs de Bourgogne et la porte Marie de Bourgogne. C’est par celle-ci qu’il faut commencer la visite pour comprendre cette histoire complexe, car ici est restituée en touches thématiques l’atmosphère de l’époque. Ses collections ont même été transférées dans les réserves afin de laisser place libre… Un buste en bronze de Philippe le Bon trône au centre de la première salle, repeinte en rouge, couleur de la Toison d’or, ordre créé par lui en 1430 pour asseoir sa puissance. En illustration sont proposées des représentations de «chapitres», fastueuses cérémonies annuelles réunissant les chevaliers. Au fil du parcours s’impose la religion, sur les tapisseries produites à Tournai ou à Bruxelles ainsi que dans les délicates pièces d’orfèvrerie, statuettes et reliquaires. Au passage, on apprend que les ducs de Bourgogne passaient davantage de temps outre-Quiévrain que du côté de Dijon ou de Beaune. L’hôtel des Ducs rappelle pour sa part le caractère belliqueux de ces princes, dont la politique d’expansion n’a cessé d’attiser les guerres. Le circuit s’achève dans les Hospices. Là, l’exposition est intégrée aux collections, offrant l’occasion de découvrir des pièces exceptionnelles, mais tendant à diluer le propos général. Ainsi dans la chapelle, à côté de la «salle des pôvres» où étaient soignés les malades, ont été introduits deux impressionnants aigles-lutrins, témoins de la dextérité des dinandiers. L’émouvant Christ de pitié en chêne polychromé, commande probable de Nicolas Rolin, a été descendu de sa console pour pouvoir être admiré de près – dommage, posé dans un coin, il n’est guère mis en valeur. Au-dessus de l’autel, le polyptyque monumental du Jugement dernier, commandé par le chancelier au maître flamand Rogier van der Weyden, a retrouvé sa place d’origine par le biais d’une copie – dans le but d’en recréer l’impact visuel initial – avant qu’il ne soit transféré pour raisons de conservation dans une autre salle. Il s’y trouve toujours, accompagné le temps de l'événement de manuscrits, sculptures et peintures sur le thème de la Trinité, très en vogue au XVe siècle, exécutés dans ce style gothique expressif. Parmi ces œuvres figure une huile sur bois attribuée au même peintre : Dieu soutenant son fils, couronné d’épines. Ce prêt de la collégiale Saint-Pierre de Louvain est à lui seul une petite merveille.