Strindberg, la peinture comme catharsis

L’intérêt d’August Strindberg pour le traitement des murs de pierres et des ruines remonte à son premier séjour à Uppsala en 1872 : il est alors saisi par l’effet que peut créer la concomitance des tons gris et du bleu du ciel, égayé par le vert des feuillages grimpants ou tombants. Sa première peinture sur toile connue, datant de cette même année 1872, de format réduit et d’un style modeste et amateur, est aujourd’hui perdue. Elle illustrait une Ruine près du château Tulborn en Écosse où Marie Stuart a été emprisonnée, exécutée d’après une gravure. Une tentative qu’il juge réussie et qui l’encourage à continuer dans cette voie. S’y dessine déjà l’un de ses futurs centres d’intérêt dans la pratique de la peinture : la capacité des couleurs à donner l’illusion des choses, une apparente simplicité qui permet d’exprimer à elle seule l’atmosphère entière d’une œuvre. Ici, en pleine maturité  nous sommes en 1903 , il revient une nouvelle fois sur ce sujet, en employant des formes particulièrement dissoutes, aux contours flous et trompeurs, mais toujours avec ce ciel bleu qui le fascine. Une poésie et une maîtrise qu’August Strindberg ne connaît que trop bien, lui qui est avant tout l’un des auteurs suédois les plus importants de l’histoire de la littérature et l’un des pères du théâtre moderne. Du naturalisme de ses premières pièces  telle Mademoiselle Julie, en 1888 , il se tourne vers le symbolisme avec La Danse de mort, en 1900-1901. Les drames historiques  dont le plus célèbre est sans conteste Gustav Vasa de 1899  constituent son terrain d’exploration favori. Ils reflètent les tourments qui assaillent Strindberg au quotidien, lui qui doit vivre entre névroses et crises de folie. Sans doute la peinture représente-t-elle pour lui une échappatoire ; la palette, à dominante grise, dans des scènes de tempêtes à la touche enlevée et rapide, tend à le prouver.