Jamais passée en vente, cette toile date de 1959, une période fort convoitée chez les amateurs du peintre abstrait d’origine russe, grande figure de l’école de Paris.
Restée dans la même collection parisienne depuis son acquisition auprès de la galerie new-yorkaise Knoedler & Co., cette toile relève d’une période très recherchée de la production de son auteur. La fin des années 1950 voit ainsi l’éclosion et la reconnaissance du travail de Serge Poliakoff. Il expose alors en Europe, tout comme aux États-Unis, et participe en 1959 à Documenta II de Cassel. C’est grâce à un contrat signé en 1952 avec la galerie Bing que Poliakoff a pu se consacrer entièrement à la peinture. L’artiste est arrivé à Paris en avril 1923 à la faveur d’une tournée internationale de sa tante, une cantatrice russe renommée qu’il accompagne à la guitare. Il vivra durant les vingt-huit années suivantes de sa musique, jouant la nuit dans les cabarets et peignant le jour. Le jeune homme poursuit également dans la capitale française une formation artistique entamée à l’école de dessin moscovite : d’abord à l’académie Frochot puis à celle de la Grande-Chaumière, mais aussi à la Slade School de Londres, où il passe deux années de 1935 à 1937. À son retour, la rencontre de Kandinsky puis des Delaunay est décisive dans son orientation stylistique. Dans son minuscule atelier de la rue Bonaparte, l'artiste élabore une peinture plastique. Il mélange ses couleurs sur une plaque de verre, allant jusqu’à les fabriquer avec des poudres anglaises dont le dosage demeurera secret. Parfois, il ajoute du sable afin de donner plus de matière et de corps à ses formes. Cela lui permet de créer une structure de surface veloutée dans les différents champs de couleur pour mieux jouer tout à la fois des tonalités, des formes et des structures. Ses œuvres de la fin des années 1950 sont à cet égard tout particulièrement équilibrées. Poliakoff commençait ses compositions par les angles, progressant vers le centre par le truchement d’un réseau d’éléments interdépendants. Sa vision première évoluait au fil de la création, ses formes, non pas géométriques mais plutôt organiques, s'imbriquant entre elles, chacune en engendrant une autre, et leurs couleurs se répondant. Il superposait en outre trois ou quatre couches successives, faisant ainsi vibrer la matière. Poliakoff a créé un style unique, à l’écart de l’abstraction géométrique et de l’expressionnisme gestuel.