À la suite de «Poussin et l’amour» (jusqu'au 5 mars), au premier étage du palais Saint-Pierre, une exposition dossier démontre combien l’art du peintre du Grand Siècle a nourri celui de Pablo Picasso. Le thème choisi pour l’étayer est celui des bacchanales, ces fêtes célébrées en l’honneur de Bacchus, dieu romain du vin et de l’ivresse. Point de départ du propos et du parcours : le Triomphe de Pan, légué au Louvre par Paul Jamot, qui y fut conservateur. Lorsqu’elle inspire à l’Espagnol, dans le Paris en ébullition de la Libération — entre le 19 et le 25 août 1944 —, un dessin à la plume et une peinture à la gouache et à l’aquarelle, cette œuvre est encore attribuée à Nicolas Poussin. Elle ne l’est plus aujourd’hui, l’original étant conservé à la National Gallery de Londres. Important et fondateur, ce travail «inaugure le cycle que Picasso va réaliser d’après les grands maîtres», explique Sylvie Ramond, directrice du musée des beaux-arts de Lyon et co-commissaire de l’événement. Le parcours met en lumière la série de dessins qu’il réalise à Antibes en 1946, en lien avec La Joie de vivre, peinture initialement titrée Bacchanale au bord de la mer et inspirée par Françoise Gilot — rencontrée trois ans plus tôt. En sont ensuite présentées plusieurs autres, gravées entre 1930 et 1968, à commencer par les illustrations des Métamorphoses d’Ovide, exécutées à la demande de l’éditeur Albert Skira. Toutes démontrent l’importance du thème dans l’imaginaire et l’œuvre de l’artiste, et la constante influence de Poussin sur son œuvre. L’occasion est donnée au passage de mettre en évidence un motif récurrent chez les deux peintres, comme chez Rembrandt, Ingres et Matisse : le nu féminin, particulièrement sous la forme de la dormeuse observée. Intelligente et sensible, cette proposition s’appuie sur une soixantaine de pièces, de médiums variés, du dessin à la céramique en passant par la gravure et la photographie. Dans les vitrines figurent également des terres cuites antiques et pièces du fonds lyonnais qui permettent, selon la seconde commissaire de l’exposition Zoé Marty, de «prolonger le regard vers l’art occidental et l’Antiquité, et d’inclure dans cette fête des sens des objets aux côtés des images !»