Des résultats plus que sérieux pour ces opus
Trois dispersions cette semaine, deux la prochaine. Bilan provisoire positif donc de 5 627 309 €, avec trente-deux préemptions et non des moindres (voir détail dans l’encadré page 142), à l’image de celle du manuscrit autographe de Gustave Flaubert pour les Mémoires d’un fou, l’un des rares manuscrits d’une œuvre de Flaubert encore en mains privées et qui a été emporté à 364 000 € par la BnF. Le mercredi 14 était dédié à la littérature, voyant 72 % des lots trouver preneur, pour un produit de 2 776 125 €. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) y faisait cavalier en tête. Le penseur des Lumières se voyait récompenser de 481 000 € pour un précieux manuscrit autographe de la troisième partie de La Nouvelle Héloïse, écrit à l’encre noire et brune avec soin, mais avec de nombreuses corrections plus de neuf cents, avec ratures et modifications interlinaires. Il s’agit de sa copie personnelle, complète dans sa première rédaction, de ses vingt-six lettres. Le même était gratifié de 240 500 € pour une importante correspondance de soixante et une missives adressées à son amie et protectrice Madame d’Épinay entre 1754 et février 1758. C’est justement chez cette dernière dans le pavillon de l’Ermitage à Montmorency qu’il commença l’écriture de La Nouvelle Héloïse, avant leur brouille et rupture finale. L’histoire à nouveau avec le manuscrit autographe par Germaine Necker, la baronne de Staël-Holstein (1766-1817), de ses Considérations sur la Révolution française (1813-1817). Conçu à l’origine comme un ouvrage à la gloire de son père Jacques Necker (1732-1804), directeur général des Finances de Louis XVI , l’ouvrage prend rapidement l’aspect d’une étude sur la Révolution française dans son ensemble, cherchant ensuite à en étudier les conséquences politiques, avec l’avènement de l’Empire. Cet essai de référence, qui sera laissé inachevé par la mort de l’auteure, et que son fils révisera et mettra au point pour l’édition posthume, était ici porté à 364 000 €. La vente savait aussi se faire moins politique et plus légère : 113 737 € revenaient à un exemplaire du tirage en grand papier d’un chef-d’œuvre du livre de fleurs du XIXe siècle, Les Roses de Pierre-Joseph Redouté (1759-1840), 97 500 €, à un poème autographe de Jean de La Fontaine (1621-1695) adressé au chevalier de Silleri et célébrant les événements de la Ligue d’Augsbourg de 1692 qui virent la victoire des troupes royales à Namur commandées par Louis XIV , ou encore 45 495 €, aux quatre volumes des Fables choisies, rédigées par le même auteur et illustrées par Jean-Baptiste Oudry (1686-1755).
Mémoires de la littérature
Reprise le lendemain sous le marteau de l’OVA Ader, pour une onzième vacation et 2 040 296 € de produit. L’intérêt des institutions ne se démentait pas : neuf préemptions en effet et l’acquisition après une belle bataille, à 23 400 €, par l’institut Chopin de Varsovie, d’une lettre envoyée par George Sand (1804-1876) à François Rollinat, relatant son séjour à Majorque avec Frédéric Chopin. Un joli trio d’auteurs français classiques s’illustrait ensuite. Dans l’ordre chronologique, Paul Verlaine (1844-1896), André Gide (1869-1951) et Jean Giono (1895-1970), s’exprimaient à respectivement 70 200, 117 000 et 62 400 €. Du poète, il s’agissait d’une réunion de dessins et de lettres autographes illustrées adressées à Ernest Delahaye (1853-1930), un condisciple de Rimbaud au collège de Charleville. L’auteur des Nourritures terrestres livrait le manuscrit autographe complet et abondamment corrigé des Caves du Vatican (1911-1913), un ouvrage tenant à la fois du conte philosophique et du roman d’aventures, sans oublier une dose de fantaisie et de dérision. Quant à Giono, avec Le Chant du monde (1933), il disait avoir voulu «faire un roman d’aventures dans lequel il n’y ait absolument rien d’actuel (…) un livre avec des montagnes neuves, un fleuve neuf, un pays, des forêts et de la neige et des hommes neufs». Le manuscrit ici proposé a servi à établir la dactylographie et présente d’importantes variantes avec le texte publié, d’où son intérêt majeur. Quant au livre de Joris-Karl Huysmans (1848-1907), illustré de 220 gravures sur bois en couleurs d’Auguste Lepère fruit de trois années de travail et habillé d’une magnifique reliure en maroquin coloré, laque noire, coquille d’œuf et nacre de Pierre Legrain, après avoir été l’un des temps forts de la vente de la bibliothèque de Félix Marcilhac (82 552 € - Drouot, 5 décembre 2012 - Binoche et Giquello), il retenait 101 104 €.
Sur un air de…
La semaine se terminait au théâtre et en chansons. Des accords considérés comme patrimoniaux, puisque la BnF se montrait particulièrement active, préemptant à dix-huit reprises ! 46 800 € se portaient sur le cahier autographe de Jacques Brel (1929-1978), sur lequel furent composées les paroles de quelques-unes de ses chansons cultes («Amsterdam», «Les timides», «La chanson de Jacky»…), et le même montant sur le manuscrit autographe de César, dernier volet de la trilogie provençale de Marcel Pagnol (voir la suite des acquisitions de l’institution parisienne page de gauche). Pour conclure, une référence, récompensée de 123 500 €. Il s’agit du manuscrit autographe de «Je t’aime moi non plus» de Serge Gainsbourg (1928-1991), écrit une nuit de 1967 pour un amour perdu. Des paroles qui deviendront une œuvre d’art totale, le premier duo érotique de l’histoire de la chanson.