Dans l’effervescence de la Florence du XVe siècle, artistes connus et moins connus, tel le Maître de l’Epiphanie de Fiesole, rivalisent pour répondre aux commandes privées d’œuvres sacrées.
Parmi les thèmes traités par la peinture florentine du Quattrocento, la représentation de la Vierge en prière devant l’Enfant Jésus fut sans aucun doute l’une des plus prisées. Mais à l’opposé des ambiances supranaturelles dont l’entourait l’art médiéval, l’esprit de la Renaissance, renouant avec le monde matériel, a préféré placer Marie au centre d’un paysage paisible. Notre peinture montrant La Vierge et saint Jean-Baptiste adorant l’Enfant n’échappe pas à ce postulat avec sa composition caractéristique : la scène se déroule devant un panorama de collines, ponctué d’arbres et de constructions sous un ciel bleu. Au premier plan, Marie et le petit Jean-Baptiste prient agenouillés devant Jésus, dont la nudité est cachée par un léger drapé. Il tend ses bras vers sa mère, revêtue d’une robe et d’un manteau, alors que saint Jean-Baptiste, selon l’iconographie habituelle, porte une peau de brebis et s’appuie sur son bâton. Exécuté à Florence entre 1450 et 1500, ce panneau de dévotion fait de quatre planches de tilleul, et destiné certainement à un oratoire privé, a pour auteur le Maître de l’Épiphanie de Fiesole. L’artiste, demeuré jusqu’à présent anonyme, doit ce nom de convention à un tableau de L’Adoration des Mages avec les saints Paul, François, Jean-Baptiste datant des environs de 1490, qui se trouve dans l’église de San Francesco de Fiesole. C’est Everett Fahy qui, le premier, parvint à isoler la production spécifique de ce peintre énigmatique, et le baptisera, avant d'en présenter l'étude dans un article du Burlington Magazine.
Dans le sillage de Jacopo del Sellaio
Au cours de ses recherches, l’historien de l’art américain a pu établir qu’il s’agissait d’un suiveur de Domenico Ghirlandaio, œuvrant à Florence sous l’influence stylistique de certains ténors de la seconde moitié du XVe siècle : Sandro Botticelli, Cosimo Rosselli, et surtout Jacopo del Sellaio. D’ailleurs, notre peintre reprend essentiellement des scènes d’Adoration de ce dernier, comme en témoignent deux de ses panneaux, l’un conservé au Metropolitan Museum de New York, l’autre au Walters Art Museum de Baltimore. Fahy suggère également que notre personnage mystérieux ait pu être Filippo di Giuliano (1449-1503), qui partagea longtemps l’atelier de Sellaio. Ce thème de l’Adoration de l’Enfant par la Vierge et saint Jean-Baptiste semble récurrent dans l’œuvre du Maître de l’Épiphanie de Fiesole, au vu de son corpus. Parmi ses œuvres du même sujet passées en vente dernièrement, on citera une Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste dans un paysage, adjugée 56 700 € par Christie’s Online le 28 novembre 2022 (source : Artnet). Quant au pedigree du panneau bientôt présenté à Lyon, on notera qu’il est passé par la galerie Alfredo Moretti de Prato avant 1999. Il a, depuis, connu une restauration faisant disparaître tous les repeints accumulés. Une opération délicate qui aura permis de retrouver une partie du dessin sous-jacent, et de mettre en valeur l’ornementation d’origine, poinçonnée et dorée des auréoles.