Vous aimez les fleurs mais vous n’avez ni le temps ni l’envie de les élever en extérieur ? Les jardinières ont été inventées pour vous !
Voilà un objet d’art, et bien souvent un meuble, particulièrement apprécié dans les salons. Bien plus imposant qu’un banal vase et nettement plus élaboré qu’un simple cache-pot, on ressort généralement les jardinières à l’approche de l’été. Pièces d’ameublement de pur ornement, on les retrouve également sur les terrasses et dans les jardins d’hiver.
Un incontournable du XIXe siècle
Dans les belles maisons, l’hiver terminé, esthètes et impatients se pressent pour réinstaller le mobilier d’été. On remise les tapis, on couvre les lustres de leur housse, on pose les devants de cheminée, on place les jardinières… Bref, on fait disparaître pour quelques mois tout ce qui peut rappeler une saison froide que peu regretteront. Il suffit de feuilleter quelques pages des plus grands chefs-d’œuvre de nos bibliothèques pour s’en convaincre. Prenons au hasard – ou presque – Honoré de Balzac, hôte illustre des plus beaux intérieurs bourgeois et aristocratiques du XIXe siècle. C’est bien simple, quasiment aucune description d’un salon, d’un château ou d’une réception dans ses romans n’omet de citer, voire de décrire dans le moindre détail, l’indispensable jardinière !
Jardinière à monture de bois dur sculpté de motifs archaïsants maintenant quatre plaques de porcelaine à décor de fleurs, oiseaux et papillons en émaux de la famille verte ou Yingcaï, travail chinois de l’époque Kangxi (1662-1722), h. 31 cm.
Paris, Drouot-Richelieu, 9 décembre 2009. Aguttes SVV. Cabinet Daffos - Estournel.
14 026 € frais compris
«En porcelaine chinoise luxueusement montée» (Les Parents pauvres), elles sont «pleines de fleurs […], offrant un ensemble doux à l’œil» (Splendeurs et misères des courtisanes). «Les fleurs rares de quelques jardinières artistement construites avec des bambous, répandant de doux parfums» (La Peau de chagrin) «dont les massifs embaumaient le boudoir» (La Muse du département) donnent aux intérieurs «un luxe effréné» (Béatrix). Et on pourrait continuer à citer le grand écrivain sur des pages et des pages ! Ainsi que bien d’autres, comme Flaubert, Feydeau, Labiche ou Maupassant. On le comprend, la jardinière, c’est surtout un mode de vie synonyme de bien-être et de confort. Apanage incontournable des maisons élégantes, elle inspira d’astucieux entrepreneurs. Une revue générale de l’architecture et des travaux publics de 1855 nous apprend en effet qu’à Paris, vers 1830, un horticulteur, dont les ressources financières ne semblaient pas à la hauteur de son ingéniosité, voulut offrir au public parisien, friand de campagne («on devrait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur», soutenait alors l’écrivain et humoriste Alphonse Allais !), l’entretien par abonnement des jardinières d’appartement garnies de plantes fleuries de chaque saison. Son entreprise a malheureusement échoué, faute de fonds. Dieu merci, cette expérience ratée – qui aurait sûrement pu connaître un meilleur destin au siècle suivant – n’a pas entamé l’enthousiasme des ébénistes et autres facteurs de meubles s’intéressant aux jardinières. Parmi les réalisations les plus connues et les plus raffinées, notons une jardinière au pedigree irréprochable conservée au musée du Louvre. Acquise par Louis XVIII pour en faire cadeau à sa nièce, la duchesse d’Angoulême (1778-1851), elle est caractéristique du mobilier Restauration. Réalisée par l’École royale d’arts et métiers de Châlons, ses motifs sont inspirés de l’Antiquité gréco-romaine avec des petits pieds en console ornés de feuilles d’acanthe et de rosaces et un piétement composé d’une tablette en acajou quadrangulaire sur laquelle se tiennent quatre sphinges ailées à une seule patte de lion.
Simples ou complexes mais toujours élégantes
Dans les cercles les plus raffinés, l’usage est établi depuis fort longtemps de ne plus donner un bal, une soirée ou une partie de jeux sans une profusion de fleurs rares, soit cueillies et mises en vase, soit plantées vivantes dans une jardinière placée aussi bien dans les boudoirs, les salles de jeux et les fumoirs que dans les escaliers, les vestibules ou les cabinets de toilette. La jardinière d’appartement forme, en quelque sorte, le pendant du jardin sur la cheminée ou l’étagère. À la différence du vase, la jardinière est une closerie miniature où l’on peut cultiver entièrement une fleur, de sa germination à son extinction. On l’y plante avec sa racine pour jouir du plaisir de la regarder grandir et s’épanouir. Travaillée plus ou moins richement, de façon plus ou moins ornée, la jardinière est réalisée sur mesure en fonction du degré d’élégance ou de simplicité de l’ameublement avec lequel elle doit être en harmonie. Il en existe dans tous les matériaux possibles et imaginables : en acajou, en ébène, en porcelaine, en majolique, en argent massif, en fer forgé, en bronze, en verre émaillé, en plastique, en rotin… Certaines sont rustiques, d’autres ont un design très complexe, tandis que d’autres encore sont estampillées Boulle ou Jacob-Desmalter. Les jardinières, dans leur version meuble, accueillent un récipient, quasiment toujours en zinc, destiné à recevoir les plantes. Un manuel du tapissier, décorateur et marchand de meubles de 1830, précise que la cuvette peut être également «en plomb ou en fer blanc bien soudé, peinte à l’huile trois couches, et avec des saignées pour la filtration de l’eau». On y précise que les jardinières se placent «au milieu ou à tout endroit convenable dans un appartement». Précision d’importance, elles ne se placent jamais dans la chambre à coucher, l’odeur des fleurs pouvant être néfaste. Jardinières oui, mais hors des jardins trop secrets…