Père de l’impressionnisme russe, Constantin Korovine a peint cette nature morte en 1917, six ans avant qu’il ne quitte définitivement son pays natal pour la France. Bien qu’il ait déjà pleinement atteint sa maturité, son style précédant son départ se distingue nettement de celui qui suit son installation à Paris. Les grandes et larges touches régulièrement disposées sur la toile, souvent espacées, laissent peu à peu la place à des coups de pinceau plus vifs et resserrés. Ici, deux bouquets de roses, posés sur le rebord d’une fenêtre ouverte sous un ciel dégagé, offrent à leur auteur l’occasion de mettre en pratique l’une de ses marques de fabrique : le dialogue chromatique entre les teintes rouges et vertes. Une conversation qui donne généralement lieu à d’heureuses symphonies de couleurs, souvent réveillées par un éclat de lumière. C’est à l’occasion des représentations théâtrales auxquelles il assistait à Moscou il était également metteur en scène que Korovine remarque la richesse des effets que peut engendrer la lumière sur les couleurs. Il commence alors à jouer de ces effets dans ses nombreuses natures mortes caractérisant sa production des années 1910 et 1920. Certaines, comme celle-ci, prennent pour cadre une chaude soirée d’été, une signature de Korovine qui vaut à son œuvre d’être qualifiée «d’impressionnisme nocturne». Une fois à Paris, il poursuivra cet exercice dans ses fameuses vues des grands boulevards et des lieux de spectacle. Son talent de coloriste, remarqué par son professeur de l’école de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou, Vassili Polenov, trouve un vaste terrain de jeu dans la pratique de la nature morte. Quelques années plus tôt, c’est un autre de ses professeurs, Alexeï Savrasov, qui lui enseigne la pratique de la peinture de plein air, dans la campagne moscovite, où fleurs et champs font déjà l’objet de son admiration. Ici, la luxuriance de la matière picturale fait écho à celle de la nature, conférant une atmosphère festive et une cadence particulière à l’œuvre.