Léon Spilliaert, solitude à Ostende

Léon Spilliaert a 20 ans quand il exécute ce dessin, qu’il titre Solitude. Le fusain se prête à merveille aux pensées anxieuses qui l’assombrissent et au doute qui l’assaille. Il est en pleine quête existentielle. Après avoir brièvement séjourné à Bruxelles et à Paris, il est revenu dans sa ville natale d’Ostende, nourri par sa découverte du préraphaélisme britannique influençant les représentations symbolistes, et l’essentiel de l’art contemporain européen présenté à l’Exposition universelle de 1900. Mais c’est chez l’éditeur Edmond Deman qu’il aura la révélation, face à des œuvres de James Ensor : «[il] évoquait vraiment à mes yeux un monde nouveau. Il fut la secousse qui ébranla mon âme et décida, peut-être, de ma vocation artistique», confiera-t-il. La littérature et la philosophie inspirent également son art, Nietzsche, Edgar Poe et Maurice Maeterlinck en particulier. Sur le rivage de la mer du Nord, cet artiste quasiment autodidacte – il n’est resté que quelques mois à l’Académie de Bruges – déploie un langage graphique unique. En 1901, il travaille en noir et blanc, à l’encre, au graphite ou, comme ici, au fusain. Cette œuvre réunit les deux thèmes qu’il privilégie alors, le rivage maritime et la figure féminine solitaire. Celle-ci fait également écho à son intérêt pour les références mythologiques et bibliques. Alors qu’il pourrait sembler dépouillé, ce dessin est riche de sens et d’originalité. Il témoigne d’un esprit inquiet, d’un œil incisif et d’une main visionnaire.