Au centre de l’assiette trône, sur un fond blanc immaculé et perchée sur une branche, une «pie rayée du Canada», selon l’inscription à la plume au revers. Sur l’aile, dans des médaillons, on découvre la «femelle du tanagra de Cayenne» et le mâle, appelé le «pape». Des papillons s’insèrent entre ces réserves, tout comme sur la bordure du couvercle de l’écuelle. Le fond bleu offre un magnifique décor de rinceaux dorés, différents pour chaque pièce de cet ensemble dit «service d’Orléans» en l’honneur de son commanditaire, Louis Philippe d’Orléans (1747-1793), cousin de Louis XVI. Son mariage avec Marie-Adélaïde de Bourbon, dite Mademoiselle de Penthièvre, petite-fille du comte de Toulouse bâtard légitimé de Louis XIV et de la marquise de Montespan , avait très largement augmenté sa fortune ; la dot s’élevait à 6 millions de livres, dont un peu plus de la moitié fut versée sur le champ, le reliquat en rentes annuelles.
Le duc d’Orléans mène grand train, possédant entre autres résidences le Palais-Royal, qui lui est donné en toute propriété en 1780. Il se lance alors dans des opérations immobilières autour des jardins de celui-ci, qui se révèleront infructueuses. Son trésorier lui conseille de réduire les frais de sa maison… Ainsi, au lieu de faire réaliser un service par la manufacture de Sèvres, ce qui avait été envisagé, préfère-t-il celle de Tournai, aux tarifs moins onéreux. Pour vous donner une idée, une assiette du service d’Orléans est facturée 24 livres par la manufacture des rives de l’Escaut, quand l’une du service Lefébure d’un modèle similaire, produite par Sèvres, en coûte 66. Le service «aux oiseaux de Buffon» fut commandé en juillet 1787 et devait comprendre plus de 1 500 éléments, destinés tant au dîner qu’au service des boissons chaudes au salon, et à celui de chambre. Certains sont de goût moderne, c’est-à-dire néoclassique, d’autres reprenant des formes produites à Vincennes dans les années 1752-1753. L’ornithologie scientifique se développe tout au long du XVIIIe siècle, les parutions se succédant à un rythme rapide grâce aux observations et aux spécimens rapportés par les savants. L’une des principales sources est ici l’Histoire naturelle des oiseaux, publiée entre 1770 et 1783, mais l’on peut citer également les recueils de Michael Seligmann, parus vers 1769-1770. Quelque 4 200 volatiles ornent les diverses pièces, certains à plusieurs reprises. «La variété des décors des rinceaux, soulignent Claire Dumortier et Patrick Habets dans Porcelaine de Tournai : le service d’Orléans (Racine, Bruxelles, 2004), leur splendeur, leur élégance, leur finesse, confèrent à ce service l’exceptionnel qui participe à la richesse de la table».