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Le sens de la dislocation d’un précurseur américain, Arshile Gorky

Publié le , par Vanessa Schmitz-Grucker
Vente le 28 mars 2023 - 14:30 (CEST) - Salle 5 - Hôtel Drouot - 75009

Reflet d’une vie marquée par l’exil et les tragédies, l’œuvre d’Arshile Gorky est singulière par son énergie explosive et son influence déterminante sur l’art américain d’après-guerre.

Arshile Gorky (vers 1904-1948), Sans titre, graphite et crayon sur papier, 1943,... Le sens de la dislocation d’un précurseur américain, Arshile Gorky
Arshile Gorky (vers 1904-1948), Sans titre, graphite et crayon sur papier, 1943, 43,2 cm 55,9 cm.
Estimation : 300 000/400 000 

Avec à peine une dizaine de lots en salles par an, Arshile Gorky est plutôt rare sur le marché, encore plus à Paris. Nom clé du XXe siècle, ovni dans l’histoire de l’art, le peintre est souvent considéré comme un pont entre le surréalisme et l’expressionisme abstrait, mouvement sur lequel il a eu un profond impact. Mais l’œuvre de Gorky est avant tout une expérience intérieure, la résurgence de souvenirs de son enfance : les formes et les couleurs de son village natal, les coquelicots et la Lune, les abricots et les champs de blé dorés. Sa palette, dans ce dessin, évoque ces étés arméniens faits de rouge, de rose, de bleu profond et de jaune, mais aussi les terres rubis et ocres du mont Ararat, où il s’était enfui avec sa mère. Tout se met en place dans une sorte de puzzle où les choses, tant bien que mal, s’imbriquent, autant de contours énigmatiques qui résonnent avec une histoire personnelle troublée. Né Vosdanik Manoog Adoyan vers 1904 dans la Turquie ottomane, l’enfant a survécu au plus fort du génocide arménien. En 1908, le père a quitté le pays ; son épouse est morte de faim en 1919, un traumatisme durable, à l’origine de l’émouvant hommage dans L’Artiste et sa mère (1936, Whitney Museum). L’année suivante, l’adolescent rejoint son père aux États-Unis, où il change son nom en Arshile Gorky, en l’honneur du grand écrivain russe. Marqué par l’iconographie biomorphique de Joan Miró et la place de l’inconscient chez les surréalistes, Gorky entame des développements qui le placeront au centre de la scène new-yorkaise dans les années 1940, et auront une profonde influence sur les acteurs de cette école. Recourant aux éléments fragmentaires et idéalisés de sa première jeunesse, l’artiste associe sa mémoire lointaine, de même que ses peurs et ses désirs d’adulte, à la réalité de son nouvel environnement. À New York, il est notamment fasciné par les panneaux signalétiques et les bouches d’incendie : «de véritables petites cathédrales», dira-t-il. Il aime la texture du mobilier urbain et sa peinture approximativement posée par les ouvriers, mais aussi la lumière s’accrochant sur les aspérités de l’asphalte. Tout en étudiant avidement au musée les grands maîtres, notamment Uccello, Grünewald et Cézanne, Gorky développe son propre style, synthétisant le surréalisme et l’expressionnisme dans une approche lyrique de la couleur et de la forme. Proche de Willem de Kooning et très admiré par Cy Twombly, Arshile Gorky reste de ces artistes à la fois tragiques et géniaux, enchaîné au royaume des rêves et des souvenirs, aussi inclassable qu’essentiel.
 

mardi 28 mars 2023 - 14:30 (CEST) - Live
Salle 5 - Hôtel Drouot - 75009
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