L’Antiquité revisitée

Plutôt spécialisé dans la réalisation de petits meubles et objets plaqués d’essences précieuses ou dans le goût de Boulle, Charles-Guillaume Diehl est à l’origine de cet imposant cabinet, exécuté dans les dernières années du second Empire. En ces temps d’expositions universelles, les principaux ébénistes conçoivent avec la plus grande minutie des meubles monumentaux d’une qualité irréprochable d’exécution, décorés dans les styles historiques. Diehl est l’un d’eux, qui réinterprète également volontiers l’Antiquité grecque et égyptienne. Sa réputation est établie. Ici, il a probablement fait une nouvelle fois appel pour le dessin de la forme, de la marqueterie et des bronzes à Jean Brandely (actif entre 1867 et 1873), lui-même apportant son savoir-faire aux placages de bois de rose, de sycomore teinté et d’acajou. C’est dans ce décor de marqueterie que réside l’essentiel de l’intérêt de notre meuble. Son sujet ? Un oiseleur offre des volatiles à une dame coiffée à l’antique, allongée sur une chaise longue au centre d’une vaste pièce à colonnades, entourée de sculptures et de vases en céramique antique. Ce panneau est repris d’un cabinet à bijoux conservé au Philadelphia Museum of Art, de dimensions supérieures et décoré plus richement encore. Notre meuble rappelle également ce dernier par sa monture centrale, surmontée d’une sculpture en ronde bosse représentant une femme couronnée d’un diadème, par la frise et les pendentifs de médaillons antiques enchaînés, ainsi que par le décor inférieur en forme de palmette. Le musée d’Orsay conserve un impressionnant médaillier de Diehl, Brandely et Frémiet créé pour l’Exposition universelle de 1867, orné d’un bas-relief en bronze et cuivre argenté, représentant le triomphe de Mérovée après la défaite d’Attila, en 451, aux Champs catalauniques. L’ébéniste, qui espère alors vendre ce meuble d’inspiration patriotique à Napoléon III, voit ses espoirs déçus… et refuse la médaille de bronze qui lui est décernée. Gageons que notre modèle, pendant de celui exposé au Rijksmuseum d’Amsterdam, sera pour sa part récompensé comme il se doit…