Quelques copistes ou mémorialistes se mettent au service des passants, sur une placette où la lumière, aussi éblouissante que blafarde, est réverbérée par les murs enduits de chaux. Cette palette ocre, de même que la technique utilisée, ont fait dire à l’historien de l’art Carlos González cité par la maison La Suite Subastas que cette huile sur toile inachevée a été exécutée à Rome ou à Naples, mais plus probablement à Rome. On sait justement que lorsque son auteur, le peintre catalan Mariano Fortuny, s’installe dans la Ville éternelle à la fin de l’année 1872, il se met à privilégier ce type de scènes de genre si fidèles à la réalité, et ce jusqu’à son décès deux ans plus tard. Disparu à seulement 36 ans, Mariano Fortuny a eu le temps de connaître le succès de son vivant. Dès 1869, ses toiles d’un goût orientaliste enthousiasment les collectionneurs espagnols et américains, qui apprécient en elles la «sauvagerie bohémienne» (aux dires du professeur Edward J. Sullivan), le graphisme nerveux et précis, rehaussé par d’éclatants coloris semblant scintiller sous de minutieux jeux de lumière. Un style né de sa fascination pour les couleurs et la lumière d’Afrique du Nord, où il est envoyé en 1859 par le gouvernement espagnol pour immortaliser les grandes batailles de la Deuxième Guerre du Maroc. Aujourd’hui encore, Fortuny fascine : le musée du Prado lui a consacré une exposition en 2017, et le marché plébiscite vivement ses compositions de plein air, si peu courantes en ventes publiques (Artnet recense une centaine de transactions seulement, pour des toiles de Fortuny).