L’occasion est si exceptionnelle que deux maisons de ventes, la Britannique Phillips et l’Italienne Cambi Casa d’Aste, se sont associées pour renforcer leur expertise et leur réseau. Le bureau londonien de la première hébergera les enchères des trente lots que forme la dispersion d’un intérieur historique, celui de la Casa Lucano, un appartement milanais où Gio Ponti a laissé éclater son génie en 1951. Pour cette commande de grande ampleur, il a sollicité la participation de ses amis Edina Altara, Piero Fornasetti, Guido Gambone, Fausto Melotti et Giordano Chiesa, pour ne citer qu’eux. Sous la direction de Gio Ponti, tous ont créé un décor raffiné et onirique, hors du temps, où des figurines de faïence blanche trônent, tels des comédiens dans un décor de commedia dell’arte. Les divinités marines impudiques dont Edina Altara a orné une commode de Gio Ponti (45 000/65 000 £) dialoguent avec un roi et une reine de céramique (15 000/20 000 £), aux côtés d’une main enroulée de guirlandes de fleurs flottant dans l’antre d’une applique de laiton doré du même Ponti (10 000/15 000 £). Ce qui se déploie entre ces murs-là, c’est une véritable narration, dont les habitants mécènes de Gio Ponti étaient à la fois les auteurs et les acteurs. L’espace et les surfaces ne sont qu’illusions : un jeu. Les panneaux muraux illustrés ici, qu’ils soient de noyer (signés Ponti) ou tapissés de papiers peints (de Fornasetti), retirent toute matérialité aux volumes (80 000/120 000 £). Dans l’article qu’il fera paraître quelques années plus tard dans le magazine Domus, Ponti surnomme l’ensemble Casa di fantasia, cette fantaisie qu’il a trouvée en 1950 chez un certain Piero Fornasetti et qui fera naître sa «passion» le mot, fort, est évoqué par le petit-fils de Gio Ponti lui-même pour son confrère milanais. L’aspect ludique est aux fondements de leur approche commune.