Retour sous la verrière du Grand Palais avec trois maîtres mots : ambition, audace et renouveau, signant une volonté de participer une nouvelle fois au rayonnement de la place de Paris.
La Biennale Paris sera de retour à partir du 8 septembre prochain sous la verrière du Grand Palais et, pour la deuxième fois de son histoire, un an seulement après sa précédente édition. Ces douze derniers mois, rien ne lui aura été épargné ni n’aura été simple dans sa préparation, et l’on ne peut que dresser ce constat : rarement une manifestation artistique de cette ampleur aura rencontré autant de vents contraires. Une spécificité française, là encore ? Mais pourtant, elle tient bon, droite dans sa version annualisée, annonçant soixante-dix exposants, le parrainage de quinze personnalités reconnues du monde artistique réunies sous l’appellation de Commission Biennale, présidée par Christopher Forbes et comptant notamment Alain-Dominique Perrin dont l’interview franche et directe est à lire en page 24. Son vetting les récentes affaires ayant secoué le landernau des antiquaires le rendant toujours plus incontournable est renforcé sous la direction de Frédéric Castaing et Michel Maket. Six femmes influentes, ambassadrices du savoir-vivre, porteront le dîner de gala, et elle s’offre même le luxe d’inviter un personnage haut en couleur, voire iconoclaste, Pierre-Jean Chalençon, à exposer la part intime de son immense collection dédiée à Napoléon Ier, sans oublier un couturier avant-gardiste et hors norme lui aussi, dont personne ne peut contester l’appétence pour l’art : Jean-Charles de Castelbajac (voir page 16). Alors, en marche la Biennale Paris ? Sans aucun doute. Suivant le mouvement alentour et n’en déplaise aux tenants de l’ordre établi, sa nouvelle équipe dirigeante, sous la présidence de Mathias Ary Jan, ose bousculer les codes, consciente des enjeux, de l’attente des collectionneurs et du public, et des critiques qui fourbissent déjà leurs plumes.
Entre galeries historiques et nouvelles venues
L’exigence de qualité des œuvres élues place la barre toujours plus haut. Pour la franchir, la Biennale Paris pourra compter sur la présence indéfectible des fidèles de toujours, qui pour l’occasion ont constitué un vivier de pièces rares. À l’image d’une tête de bouddha des Qi du Nord ciselée au VIe siècle, mise en lumière par la galerie Jacques Barrère, ou d’une Composition abstraite encore sombre, de 1949, de la vedette du stand de la galerie Berès, Nicolas de Staël. La galerie Mermoz également, à l’origine de très importantes collections, européennes et américaines, d’art précolombien, qui dévoile un masque de jade représentant un souverain olmèque (Mexique, 900-600 av. J.-C.). Plus récente dans les allées, mais tout aussi assidue, la galerie Damien Boquet Art revient avec quelques merveilles, dont une toile de Berthe Morisot, le Portrait de Louise Riesener, animée d’une vie frémissante. Élargissant l’horizon de cette édition des 30 ans, un nouveau contingent de galeristes a décidé, pour la première fois, de tenter l’aventure. Commençons par la plus lointaine, Marianne Rosenberg, directrice de l’enseigne new-yorkaise Rosenberg & Co, qui observe que «la Biennale cadre parfaitement avec ce que nous recherchons, comme beaucoup de galeristes souhaitant un salon haut de gamme qui ne cible pas seulement l’art ultra-contemporain». Pour la petite-fille du célèbre marchand français exilé aux États Unis, «c’est aussi l’occasion de renouer les liens avec Paris, ville où mon grand-père Paul et mon grand-oncle Léonce Rosenberg avaient leur galerie». Fondée en 2015, la sienne poursuit ce chemin familial en exposant l’art moderne, du cubisme aux mouvements des années 1960, avec des œuvres d’artistes français comme un rare dessin de 1885 du Douanier Rousseau, Quai d’Auteuil , mais aussi d’Américains moins connus de ce côté-ci de l’Atlantique, tel George L.K. Morris, avec une aquarelle de 1948. Pour sa part, Clara Scremini a déjà participé à bien d’autres salons, mais pas encore à la Biennale. Depuis plus de vingt ans dans sa galerie de la rue Quincampoix, elle fait découvrir au public et aux collectionneurs les arts du verre. Ici, elle a choisi de présenter des pièces exigeantes d’Ann Wolff, d’Eva Vlcková ou d’Emmanuel. D’autres encore, après avoir déserté la verrière du Grand Palais, y font leur retour pour ce millésime décisif. C’est le cas de Marc Maison, qui propose des pièces décoratives venues de l’Europe entière, et postérieures à 1850. L’un de ses morceaux phares pourrait bien être un tondo en émail d’André-Fernand Thesmar et Ferdinand Barbedienne, réalisé en 1874. Cette année d’ailleurs, l’accent sera volontiers mis sur la haute décoration, au moment où se déroulent l’incontournable salon Maison & Objet et la Paris Design Week, rendez-vous de tous les décorateurs internationaux. Le XXe siècle sera à la pointe aussi, avec les propositions des galeries Yves Gastou, Michel Giraud, Marcilhac, Jacques Lacoste et Mathivet, toutes ferventes zélatrices des grands maîtres des arts décoratifs.
Des trésors napoléoniens sous la verrière
Au centre de la Biennale édition 2018, à l’aplomb du dôme, se dressera un espace dédié à Napoléon Ier. Tenant à la fois de la tente de campagne et du pop-up muséal, le lieu expose quelques pépites de la collection du médiatique Pierre-Jean Chalençon, qui rappelle malicieusement que «le souverain n’avait pas eu droit à une exposition au Grand Palais depuis 1969» ! Grâce à lui, on pourra donc détailler ces items ayant appartenu à l’Empereur. Riche de quelque 1 200 souvenirs, son ensemble l’un des plus importants en ce domaine aujourd’hui a déjà connu le succès à l’étranger, de la Chine à la Russie. La sélection parisienne, elle, est en grande partie basée sur des objets très personnels du souverain : «Cela m’intéressait de montrer aussi des choses du quotidien, atypiques, plus discrètes», explique le collectionneur. Ainsi, aux côtés du Portrait de l’impératrice Marie Louise en grand costume et parure de son joaillier Nitot par François Gérard, dans un cadre en bois doré orné d’aigles, on découvrira, accompagnés d’un gobelet à vin en or et vermeil par Martin-Guillaume Biennais, des couverts aux armes impériales retrouvés dans la berline de Napoléon au soir de Waterloo. Il y a aussi l’assiette de campagne en argent de l’Empereur, ramassée par les Prussiens de Blücher en ce même 18 juin 1815 à la ferme de la Belle-Alliance, un verre à orangeade en cristal gravé au chiffre impérial et peut-être le plus émouvant ce foulard en madras que portait le souverain à Sainte-Hélène en raison de l’humidité de l’île…
À suivre
D’autres nouveautés sont encore à évoquer : la nocturne du second week-end, correspondant à celui des Journées du patrimoine, une image plus dynamique, accentuée par une nouvelle signalétique, un nouveau site internet… et une ouverture à de plus jeunes galeries, car elles représentent le devenir du marché de l’art français. Et si la manifestation fait la part belle aux enseignes françaises, elle ne dédaigne pas d’ouvrir son horizon. Seront présentées les découvertes indo-portugaises du duo Álvaro Roquette - Pedro Aguiar Branco et celles consacrées à l’empire portugais de São Roque deux entités installées à Lisbonne , les dessins et tableaux espagnols réunis par la madrilène Ana Chiclana, les trouvailles en antiquités classiques de la galerie Cahn A.G., sise à Bâle, ou encore les œuvres de designers italiens de la galerie milanaise Robertaebasta et celles du pop art britannique, mises à l’honneur par la londonienne Whitford Fine Art. De quoi allécher les collectionneurs, mais n’oublions pas que cette trentième édition concocte ses derniers ingrédients cet été… et donne rendez-vous en septembre pour les révéler.