Le constat est paradoxal. Jean-Jacques Henner est l’un des rares artistes du XIXe siècle, avec Gustave Moreau, à posséder son propre musée à Paris, tout en étant assez mal connu du grand public. Bienvenue donc dans cette rétrospective organisée par le musée des beaux-arts de Strasbourg, en partenariat avec le musée qui porte son nom. L’aficionado pourra regretter, à juste titre, que la grande majorité des prêts provienne des collections du musée parisien. Mais est-ce là le propos ? Faut-il rester dans l’entre-soi des fins connaisseurs ? Ce panorama a le mérite de pénétrer l’épaisseur de ce grand portraitiste, de découvrir ses accointances avec l’Alsace et Strasbourg et de suivre une carrière loin des mouvements impressionniste et symboliste, jusqu’à sa nomination au grade de Grand officier de la Légion d’honneur en 1903, soit deux ans avant son décès. Cette exposition a aussi l’avantage de drainer des visiteurs de quatre pays : la France, la Belgique, l’Allemagne et la Suisse. Une audience élargie donc, prouvant que Jean-Jacques Henner n’a rien d’un peintre régionaliste. Le parcours chronologique souhaité par les commissaires Céline Marcle et Maeva Abillard permet de suivre pas à pas sa formation, ses influences, son engouement pour l’Italie, mais également « son travail sur la mélancolie et l’attitude du songe », lui qui avait l’habitude de dire : « Je veux peindre l’âme de mes modèles. » Jean-Jacques Henner est un peintre de la peau. Elle n’a rien de lisse comme peut l’être celle d’un Bouguereau. Elle est évanescente, brumeuse, auréolée de mysticisme au regard de chefs-d’œuvre tels que La Liseuse ou La Source, voire inquiétante à travers le Portrait de Mme Duquesne-Fournet. Un véritable talent de dessinateur parallèlement visible au musée des beaux-arts de Mulhouse jusqu’au 30 janvier.