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GemGeneve 2019, le retour d’un salon tremplin

Publié le , par Anna Aznaour

Avant l’ouverture de la deuxième édition du salon genevois de la haute joaillerie, zoom sur ses retombées, pour les participants de l’année passée, et sur la vision d’avenir de ses créateurs, deux marchands de pierres précieuses.

Boucles d’oreilles Lampiao de la marque Racine Geneva, en or blanc, or noirci, diamants,... GemGeneve 2019, le retour d’un salon tremplin
Boucles d’oreilles Lampiao de la marque Racine Geneva, en or blanc, or noirci, diamants, émeraudes, perles naturelles.

GemGeneve est le seul salon auquel j’ai participé et qui ait constitué un véritable tremplin pour le designer que je suis», témoigne Emmanuel Tarpin. Ce créateur français de 25 ans s’est fait remarquer dans le catalogue de Christie’s grâce à ses premières boucles d’oreilles. Baptisées Géranium, elles se sont vendues à New York pour quelque 25 000 $ en décembre 2017. Chargée de la «chasse» aux designers talentueux, l’historienne d’art et journaliste britannique Vivienne Becker, qui l’a découvert, s’était vu confier une mission par les organisateurs de GemGeneve : trouver des «valeurs sûres» pour le lancement de leur foire. L’ambition des deux cofondateurs, Thomas Faerber et Ronny Totah, était d’offrir  aussi bien à leur profession qu’au public  un salon de référence. À l’image de leur réputation. Spécialisé en pierres précieuses et bijoux anciens, Thomas Faerber n’est autre que celui à qui la galerie Apollon du musée du Louvre doit l’acquisition de l’un des joyaux du premier Empire : la parure historique de l’archiduchesse Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon Ier. Contribution récompensée en 2004 par la médaille de chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. Ingénieur de formation, Ronny Totah, contrairement à son confrère, n’est quant à lui pas «né dans les pierres». Pourtant, l’homme qui s’associa avec Teddy Horovitz, surnommé à Genève «le roi des gemmes», devint rapidement à son tour une référence dans le milieu. Sa passion : les saphirs du Cachemire et les perles naturelles. Mécontents de la place accordée à leur métier dans des grandes foires, les deux marchands créent en 2018 ce petit salon. Leur concept  être exposants et organisateurs à la fois  est une révolution dans l’événementiel.
 

Logo miroir du salon GemGeneve pour son édition de lancement.
Logo miroir du salon GemGeneve pour son édition de lancement.


Couverture médiatique
Si le cheminement vers cette initiative a pris plusieurs années, sa réalisation a été une question de quelques mois. «Malgré mes vingt ans d’expérience dans le secteur de la joaillerie de luxe, chez Thomas et Ronny, je devais tout de même faire mes preuves», se souvient Jasmine Vidal, chargée de la communication et des relations presse de GemGeneve. La consultante indépendante n’avait que six mois à sa disposition avant le lancement de la manifestation… «La stratégie mise en place avait deux piliers principaux : l’identité visuelle forte du salon et sa large couverture dans les médias», poursuit-elle. La notoriété obtenue, grâce au coup de projecteur des cent cinquante médias internationaux présents, a d’ailleurs été soulignée par tous les exposants interviewés. Le bijoutier et designer valaisan Grégoire Maret, qui avait créé le buzz avec ses bijoux sertis de rose de mine  pierre précieuse naturelle extraite du sol suisse , relate : «Après le salon, j’ai eu un afflux de clients provenant majoritairement de… ma propre région. Je n’aurais jamais pensé que la Gazette Drouot était si lue dans notre canton perdu au milieu des Alpes suisses !» L’article en question (
GemGenève 2018 : comment (bien) lancer sa foire de la Gazette 2018 n° 21, page 28) retraçait l’histoire de cette gemme rose  la calcite cobaltifère  née il y a cinquante ans et découverte dernièrement dans les anciennes mines de charbon du Valais par un ami du bijoutier. Détenteur exclusif de ses rares exemplaires, Grégoire Maret inaugurait alors sa marque, Pierre d’Alexis. En 2019, il va plus loin en imaginant deux nouveautés. La première, intitulée «Un bijou - une région», est une nuitée hôtelière dans le Valais, offerte à chaque acquéreur d’un bijou serti de la pierre rose. Et la seconde, De la mine à GemGenève, est un film dévoilant toutes les étapes de la création de son dernier bijou, Valesia, qui sera présenté lors de cette édition. Un couple de deux autres créateurs suisses, réunis sous l’enseigne Oselieri-Racine Jewellery, a également pu sortir de l’anonymat grâce aux médias internationaux. De retour au salon avec cinq nouvelles créations et un nouveau nom de marque  Racine Geneva , Pedro Oselieri Lopes témoigne : «Avec Miriam, mon épouse, nous venions de créer notre entreprise lorsque nous avons participé au lancement de GemGeneve en tant que talents émergents. Cela nous a immédiatement donné une large visibilité.»
Un marché actuel difficile
Les créations du couple ont été très remarquées en raison de leur style unique, à mi-chemin entre classicisme et art déco. Pourtant, aucune vente n’a été conclue pendant l’événement. Le gemmologue de 34 ans explique ce fait par les nouvelles habitudes des consommateurs des objets de luxe en Europe : «Je constate que les achats dans la haute joaillerie ne sont pas très spontanés chez les Européens. Ils attendent des jeunes marques qu’elles fassent d’abord leurs preuves en restant constantes au niveau de la qualité de leurs créations. Et surtout, qu’elles s’inscrivent dans la durée, parce que beaucoup disparaissent après trois à cinq ans d’existence. Les clients souhaitent donc investir dans des objets qui vont prendre de la valeur, car plus la marque deviendra célèbre, plus elle sera désirable.» Une analyse pertinente des attentes des consommateurs, corroborée par les organisateurs de GemGeneve. D’après Ronny Totah, malgré le marché actuel plutôt difficile, les belles pièces uniques des marques reconnues trouvent toujours preneur, et ce, quel que soit leur prix. Quant à Thomas Faerber, il souligne l’importance de la persévérance des créateurs talentueux que le salon s’emploie à soutenir. À l’instar de Camille Combremont, étudiante à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD), qui a remporté le concours de créativité du salon en 2018. Cette année, elle présentera son nouveau projet, une chaîne rythmée de pierres de lune, réalisée grâce au soutien de Thomas Faerber. Un coup de pouce dont pourront également bénéficier des étudiants de la Haute école de joaillerie de Paris (HEJ), invités à participer au concours 2019 sous le patronat de la maison Abouchar.

L. J. West, bague diamant ovale, 3,04 ct, couleur fancy intense blue VS2, sertie de deux diamants demi-lune et d’un entourage diamants roses, présenté
L. J. West, bague diamant ovale, 3,04 ct, couleur fancy intense blue VS2, sertie de deux diamants demi-lune et d’un entourage diamants roses, présentée lors de l’annonce de GemGeneve à New York en avril dernier.


Nouvelle donne
Parmi les valeurs inédites de cette deuxième édition, un riche programme de conférences et la découverte d’une nouvelle brochette de talents venus du monde entier, avec une grande première pour Taïwan. Bien que le nombre des exposants soit passé de 147 à 210, les organisateurs tiennent à préserver le petit format de leur manifestation. Cette décision peut paraître incongrue au vu du nombre d’acteurs présents sur le marché du design, des bijoux anciens et des pierres précieuses désireux d’exposer à GemGeneve. En effet, la démocratisation de l’information via Internet, associée à l’ouverture des frontières et à une mobilité facilitée, a fait voler en éclats le petit cercle des initiés dans ces métiers. Cette nouvelle donne a également chamboulé les codes des rapports commerciaux, qui, auparavant, étaient basés sur la parole, la réputation et la confiance mutuelle d’un nombre très restreint de protagonistes. D’où le besoin actuel de retour aux sources, avec un tri des professionnels de référence dans une ambiance intimiste que propose ce salon. Jacques Sitbon, antiquaire genevois et patron de la société Larengregor, le confirme : «À GemGeneve, on a revu des clients qui ne venaient plus à Baselworld depuis des années.» Et demain ? «Si les Chinois se mettent à s’intéresser aux bijoux anciens, les prix vont flamber», anticipe Ronny Totah. Et Thomas Faerber de conclure : «Les clients font de moins en moins confiance aux monnaies, dont les cours varient sans cesse, et de plus en plus aux valeurs ancestrales, comme l’or et les pierres précieuses… »

à voir
Route François-Peyrot 30, 1218 Le Grand-Saconnex, Suisse.
Du 9 au 12 mai 2019.
www.gemgeneve.com
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