Conservé dans une collection particulière niortaise depuis plus de soixante ans, ce sarcophage égyptien du VIIe siècle avant notre ère arbore un riche décor, mais aussi le nom d’une défunte aux origines intrigantes. Déchiffrage.
La région se met au diapason de la «toutankhamon-manie» qui sévit en ce moment dans la capitale parisienne (voir l'article Le sacre de Toutankhamon de la Gazette n° 15, page 191) avec la vente de ce sarcophage daté vers 660-630 av. J.-C., soit entre la fin de la XXVe dynastie, dominée par les Nubiens, et le début de la XXVIe, marquée par la renaissance saïte. Acquis lors d’une vente aux enchères publiques à Châteauroux vers 1955, ce couvercle de cercueil intérieur a été conservé depuis dans la même famille de la région niortaise. Bien qu’il ait subi les outrages du temps – mais du coup aucune restauration abusive –, le décor de cette ultime enveloppe, qui protégeait au plus près le corps momifié, demeure lisible. Une iconographie parfaitement maîtrisée depuis le Nouvel Empire et l’adoption des sarcophages anthropomorphes.
Quand le ciel épouse la terre
Peint en rouge, le visage de la défunte est encadré d’une perruque à deux larges tresses bleues, sur lesquelles le faucon Horus ou un vautour étend ses ailes protectrices. Nephtys, présente au sommet du crâne dans un ovale limité par deux bandes concentriques, joue son rôle de déesse funéraire en veillant sur la défunte. Omniprésente dans ce type de peintures, Nout déploie quant à elle ses ailes sous le large collier, afin de protéger la porte menant dans l’au-delà. Face à la momie, comme dans un corps-à-corps, elle est également présente sur toute la hauteur de la face intérieure de ce couvercle ; peinte en pied sur fond blanc, elle est vêtue d’une robe moulante découvrant ses épaules et arbore une belle chevelure bleue. Son corps représente alors la voûte céleste, à laquelle faisait certainement écho, au fond du sarcophage, l’image de la Terre. On le comprend, la déesse du Ciel est incontournable dans les rituels funéraires. À l’origine de la création du monde, elle a enfanté avec Geb – lui-même dieu de la Terre – les divinités principales de la mythologie égyptienne, Osiris, Seth, Isis et Nephtys… Nout occupe également un rôle central car elle symbolise la résurrection des défunts. Son corps protège les morts et les accueillera dans les cieux après leur voyage dans l’au-delà, tout comme elle le fit pour le dieu du Soleil Rê, indissociable du cycle éternel.
Mystérieuse maîtresse de maison
À l’image des sarcophages du début de la XXVIe dynastie, le reste du décor, organisé en registres, mêle des hiéroglyphes tirés du Livre des morts, un mode d’emploi pour la vie périlleuse dans l’au-delà, à une multitude de divinités, tels les quatre fils d’Horus ou encore Anubis et Osiris. C’est devant ce dernier, fils de Nout, premier pharaon avant d’être tué par son frère Seth et de devenir roi du royaume des morts, que la défunte est représentée en prière. Le nom de celle-ci est inscrit : «la maîtresse de maison et noble dame Astemakhbit», fille de «Horemakhbit prêtre-ouab d’Amon» et de la «maîtresse de maison Tabatjat la jeune». Apparu dans la deuxième bande horizontale d’inscription, ce dernier nom est plus inhabituel, peut-être d’origine nubienne ou libyenne. Hasard ou non… trois membres de la famille du célèbre gouverneur de Thèbes, Montemhat, le portaient. Notre défunte aurait-elle d’illustres ascendances ?