Galerie GagosianT, 4, rue de Ponthieu, Paris VIIIe, tél. : 01 75 00 05 92, www.gagosian.com - Jusqu’au 1er juin 2019.
Cette série marocaine de Brice Marden (né en 1938) arrive à Paris après un premier accrochage au musée Yves-Saint-Laurent à Marrakech. Elle est composée d’une soixantaine de dessins à l’encre tantôt monochromes, tantôt en couleurs et d’une peinture sur toile (Helen’s Moroccan Painting) nourris de voyages marocains. Pouvant prendre deux formes des aplats colorés géométriques et minimalistes d’une part, des lignes formant des tissus plus ou moins denses d’autre part , la peinture de l’artiste new-yorkais évolue sur la double voie d’une abstraction géométrique minimaliste et d’une esthétique plus proche de l’action painting, mais sereine et contemplative. Ici, le carnet de dessins présente des enchevêtrements évoquant aussi bien des végétaux que des motifs de l’artisanat et de l’art marocains, l’univers de la biologie cellulaire ou encore des réseaux digitaux. Pour Marden, l’abstraction possède la vertu de transposer le spectateur dans différents univers, au gré de ses humeurs ou de son imagination. Dans les feuilles marocaines, la combinatoire des entrelacements et des taches souvent positionnées aux intersections des lignes est déclinée avec une variété infinie et vertigineuse, montrant encore une fois combien une simplicité élémentaire formelle peut donner lieu à une profusion de solutions et de représentations. La sérénité zen de Marden se conjugue avec des tressaillements nerveux, qui renvoient à la calligraphie. La facture plutôt dense de la plupart des dessins en viendrait presque à figurer un agrandissement de la trame opaque et des aplats géométriques de Helen’s Moroccan Painting. Cette merveilleuse tension entre le motif coloré, saturé, vibrant mais circonscrit, et les amas de fibres grumeleuses, dynamiques, mais toujours ramassées, produit un plaisir visuel certain et une ambiguïté suggestive. Les ocres, les terres brunes et les couleurs en général évoquent la Méditerranée et le Maghreb, les encres noires ou monochromes désignant plutôt la culture extrême-orientale. Les entrelacements pourraient être aussi un retour, voulu ou inconscient, aux trames des Nymphéas de Monet, matrice primordiale de l’abstraction picturale. On comprend combien l’esthétique tardive de Marden a le pouvoir de désigner des figures primordiales de la nature, mais aussi de la peinture.