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Art Basel, FIAC, Frieze ... Le combat des chefs

Publié le , par Annick Colonna-Césari

Les grands événements annuels dédiés au marché de l’art se sont multipliés en quelques années. Si la FIAC reste une référence, elle doit faire face à la concurrence de poids lourds d’envergure internationale.

LA 44e édition de la FIAC, au Grand Palais, à Paris. Art Basel, FIAC, Frieze ... Le combat des chefs
LA 44e édition de la FIAC, au Grand Palais, à Paris.

Y a-t-il trop de foires artistiques dans le monde ? Probablement, encore qu’elles ne jouent pas toutes dans la même catégorie. Ces dernières années, leur nombre a en effet explosé, jusqu’à approcher les trois cents. Une chose est sûre : participer à ces grand-messes est à présent indispensable. C’est là que les marchands affûtent leurs réseaux et réalisent entre 30 et 70 % de leur chiffre d’affaires. En moyenne, il faut compter cinq ou six participations à l’année. Mais cela peut aller au-delà, dans le cas des professionnels implantés hors des frontières. En 2017, Nathalie Obadia et Daniel Templon en totaliseront ainsi douze chacun. Quant à Emmanuel Perrotin, il n’en affichera pas moins de dix-huit à son palmarès ! Pour un galeriste hexagonal, une présence à la FIAC est évidemment prioritaire. Ou plus exactement, elle l’est devenue. En 2003, alors que la foire fêtait ses 30 ans, le magazine Beaux-Arts s’interrogeait : «Anniversaire ou enterrement ?» Depuis, elle s’est invitée dans la cour des grands. «Lorsque j’ai pris la direction, c’était difficile à imaginer», se souvient Jennifer Flay, toujours fidèle au poste. Les avis convergent. On salue le chemin parcouru, l’amélioration de la qualité de ses exposants  des mastodontes aux galeries émergentes , allant de pair avec leur internationalisation. La FIAC a aussi étendu ses tentacules, du jardin des Tuileries à la place Vendôme, un mouvement qu’accompagne désormais la piétonisation de l’avenue Winston-Churchill, transformée en esplanade de sculptures. L’événement a même réussi à dynamiser la ville, comme en témoigne la multiplication des événements, vernissages, previews et dîners de gala. «C’est la semaine de l’art à Paris», s’enthousiasme la collectionneuse et mécène Sandra Hegedüs.
Une clientèle très sollicitée
La manifestation française s’est hissée dans le peloton de tête, aux côtés de la Frieze Art Fair, fondée en 2003 à Londres par les créateurs de la revue éponyme. Inaugurant la saison automnale, cette dernière ne précède que d’une poignée de jours son homologue parisienne, et c’est une rivale sérieuse, dont l’aura a été redorée depuis qu’en 2012 ses dirigeants y ont adjoint Frieze Masters, dédiée à l’art ancien, moderne et de l’après-guerre. Et Frieze London répand elle aussi son énergie, de musées en salons satellites, tel 1:54, spécialisé dans l’art du continent africain. Car malgré la perspective du Brexit, la Grande-Bretagne reste mieux placée que la France, occupant la troisième position du marché, derrière les États-Unis et la Chine, loin devant l’Hexagone. «À Londres, ajoute Nathalie Obadia, vivent les personnes les plus fortunées du globe, originaires du Moyen-Orient, d’Inde, de Grèce ou de Turquie.» La quasi-concomitance avec la FIAC ne favorise pas non plus la capitale française, obligeant certains à opérer des choix, comme les galeristes Hauser & Wirth ou Mathew Marks, absents de l’édition 2017 au Grand Palais. De même pour les collectionneurs, notamment américains, naturellement tournés vers la culture anglo-saxonne, qui hésitent à prolonger leur séjour de l’autre côté de la Manche… Surtout s’ils ont déjà fait une escale européenne à Art Basel, au mois de juin précédent ! La foire helvétique, «monstre d’organisation et de puissance», selon le galeriste Franck Prazan, demeure d’ailleurs la concurrente numéro un. Situation inchangée depuis sa création, il y a quarante-sept ans. Certes, Bâle ne dispose pas des atouts de la Ville lumière : «Une fois qu’on a franchi trois fois le Wettsteinbrücke, on en a fait le tour», résume le galeriste parisien Jocelyn Wolff. Il n’empêche. En amont de chaque édition, Art Basel réceptionne un bon millier de candidatures. «Avec une liste d’attente de 300 noms, les marchands sont obligés de présenter leurs meilleures pièces», analyse le collectionneur Philippe Dolfi, vice-président de l’Adiaf (Association pour la diffusion internationale de l’art français). Et les plus riches clients s’y pressent, «bien plus internationaux qu’à Paris, où ils sont en majorité européens», constate-t-il. Le millésime 2017 n’a pas dérogé à la règle, enregistrant, malgré le ralentissement ambiant, un exceptionnel niveau d’expositions et de transactions.
Stratégies internationales
La compétition ne cesse de se renforcer. Les marques se sont en effet lancées dans une stratégie de conquête. En 2012, Frieze London essaimait à New York, bousculant par la même occasion l’historique Armory Show, alors au creux de la vague. L’offensive la plus redoutable est menée par le groupe suisse MCH, l’organisateur d’Art Basel. Dès 2002, il a exporté son modèle aux États-Unis, créant Art Basel Miami, dont la présence a rebattu les cartes du marché, non seulement américain mais aussi mondial. En 2013, il s’est implanté en Asie, en rachetant l’ancienne Art HK, rebaptisée Art Basel Hong Kong. «Ce n’est plus avec deux foires que la FIAC est en concurrence mais avec cet ensemble de cinq», résume Nathalie Obadia. S’y ajoutent d’autres manifestations, moins renommées ou d’audience dite «régionale», mais qui jouent leur rôle elles aussi. D’ailleurs, MCH y pose également ses pions. Prudemment, toutefois, car s’il développe ce nouveau portefeuille, il maintient les enseignes locales. Ainsi, en mars 2016, est-il devenu copropriétaire, à New Dehli, d’Art India Fair, avant de prendre une participation, en février 2017, dans Art Düsseldorf. Une politique que Daniel Hug, le patron d’Art Cologne, qualifiait de «colonialiste», dénonçant l’uniformisation du marché. Les galeristes , quant à eux, revoient chaque année la liste de leurs foires. «Hormis pour les fondamentaux, qu’on ne remet pas en cause, chacun repense sa stratégie, en fonction de ses artistes, de sa programmation, de ses moyens», explique Jocelyn Wolff. «Nous sommes fidèles à Abu Dhabi depuis ses débuts en 2007, rappelle Nathalie Vallois. Ces dernières années, nous sommes revenus à l’Armory Show et à Art Basel Miami, et maintenant, nous tentons Art Genève.» En 2017, Nathalie Obadia a pour sa part délaissé Art Dubaï, «pour des raisons géopolitiques,, au profit de la foire de Beyrouth, qui possède un potentiel de collectionneurs locaux important». Les collectionneurs opèrent de leur côté leur sélection. Ils n’ont que l’embarras du choix, comme le reconnaît Sandra Hegedüs. «Si je ne rate jamais ni Art Basel ni la FIAC, j’aime me rendre à Miami, ou à Turin pour Artissima, un salon confidentiel mais plus prospectif, ainsi qu’à l’ARCO de Madrid, pour ses artistes latino-américains. En octobre, je partirai à Bogota, visiter Artego, afin de prospecter la scène colombienne.» La FIAC parviendra-t-elle à imposer son nom, en dehors de Paris ? La tentative réalisée à Los Angeles, sous l’égide de Reed Expo, son propriétaire, s’est soldée par un échec. Preuve que le marché est saturé. Le projet néanmoins n’est pas abandonné. «Il ne s’agit pas simplement de parachuter un label, il faut que l’implantation corresponde à un besoin local et surtout veiller à ne pas perdre son identité», estime Jennifer Flay qui, après la FIAC, s’envolera pour la Chine…

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