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Jean Moulin illustrateur de Corbière

Publié le , par Caroline Legrand
Vente le 14 septembre 2019 - 14:15 (CEST) - 8, rue du docteur Joseph-Audic, zone d'activités du Ténénio - 56001 Vannes

Armor unit les vers du poète maudit Tristan Corbière et les illustrations prophétiques du futur résistant Jean Moulin. Deux hommes dont les destins tragiques se font écho à presque un siècle de distance.

Tristan Corbière (1845-1875), Armor, Paris, René Helleu, 1935, illustré de huit eaux-fortes... Jean Moulin illustrateur de Corbière
Tristan Corbière (1845-1875), Armor, Paris, René Helleu, 1935, illustré de huit eaux-fortes de Jean Moulin (1899-1943) sous le pseudonyme de Romanin.
Estimation : 1 500/2 000 

C’est sous le pseudonyme de Romanin que Jean Moulin travailla aux huit eaux-fortes de cet ouvrage, tiré à seulement 150 exemplaires sur Ingres d’Arches. Si l’homme est essentiellement connu aujourd’hui pour son action décisive au sein de la Résistance et sa mort héroïque, il eut une vie riche et complexe. Très jeune, ce natif de Béziers se passionne pour le dessin et vendra même certains de ses croquis à des journaux. Mais, étudiant en droit, il suit la même voie que son père, élu de l’Hérault, et entame une carrière au service de l’État. Il devient le plus jeune sous-préfet de France en 1925, à Albertville, puis sous-préfet de deuxième classe à Châteaulin en 1930. Il reste trois années dans le Finistère, durant lesquelles il rencontre l’artiste surréaliste Max Jacob, originaire de Quimper, qui l’incite à travailler aux illustrations du livre de poèmes de Tristan Corbière Armor. Ce dernier correspond à un chapitre extrait des Amours jaunes, principal ouvrage de ce poète, incompris de son vivant et emporté par la tuberculose à 29 ans. Si ce recueil passe totalement inaperçu en 1873, il est révélé au public en 1884 par Les Poètes maudits, de Paul Verlaine. Corbière évoque en dernière partie d’Armor un épisode tragique de l’histoire de la Bretagne. En 1870, Léon Gambetta a levé une armée de 60 000 soldats bretons pour continuer le combat contre les Prussiens après la chute de Napoléon III. Rassemblés dans un camp à Conlie, dans la Sarthe, certains y mourront à cause des mauvaises conditions de vie et d’autres perdront la vie lors de la bataille du Mans en janvier 1871. Jean Moulin livre dans ses illustrations une vision des fosses communes où s’entassent les corps. On peut y voir une prémonition étonnante des futurs camps de la morts, par celui qui deviendra quelques années plus tard une figure majeure de la Résistance. Ce lien spirituel entre Corbière et Moulin se poursuivit d’ailleurs après la victoire allemande puisque ce dernier utilisa des vers du poème «La Rapsode foraine» afin de coder ses messages destinés à Londres. On rappellera aussi que Jean Moulin, qui commença à fréquenter le milieu des arts vers 1930, collectionnait les tableaux. Durant la guerre, il ouvrit une galerie d’art à Nice afin de couvrir ses activités au service de la France libre.

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samedi 14 septembre 2019 - 14:15 (CEST) -
8, rue du docteur Joseph-Audic, zone d'activités du Ténénio - 56001 Vannes
Jack-Philippe Ruellan