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Rossetti, entre idéal et réalité

Publié le , par Caroline Legrand
Vente le 27 mai 2019 - 14:30 (CEST) - 70, rue Vendôme - 69006 Lyon

Datée 1860, cette Esclave nubienne d’Antonio Rossetti est à l’image d’une époque et d’un artiste au confluent de plusieurs styles et de différents goûts, entre néoclassicisme et orientalisme.

Antonio Rossetti (1819-1870), La Jeune Esclave ou l’Esclave nubienne, 1860, sculpture... Rossetti, entre idéal  et réalité
Antonio Rossetti (1819-1870), La Jeune Esclave ou l’Esclave nubienne, 1860, sculpture en marbre blanc, reposant sur un piédestal en marbre orné de quatre scènes en bas relief, signée, h. 187 cm avec piédestal.
Estimation : 25 000/30 000 

Cette sculpture en marbre blanc aurait parfaitement eu sa place dans l’exposition «Le modèle noir», actuellement au musée d’Orsay (jusqu’au 21 juillet). Bien que le marbre immaculé ou les traits du visage puissent en faire douter, ce sujet est une «esclave nubienne». Une vision idéalisée d’une femme, forcément belle, mais réduite à la servitude. Cette interprétation romantique est révélatrice d’un goût et d’une période où les Occidentaux commencent à se tourner vers l’autre, l’étranger, mais sont encore dotés de nombreux préjugés. Milanais d’origine, Antonio Rossetti a travaillé à Rome sous l’influence de l’art néoclassique de Canova. Mais, comme tous les artistes du milieu du XIXe siècle, il subit également d’autres influences, dont celle de l’orientalisme. S’il a très peu quitté son atelier romain, il est curieux des nouveaux courants picturaux ainsi que des événements importants, comme la guerre d’indépendance menée par les Grecs contre les Ottomans  qui marquera les contemporains par la bravoure de ces hommes cherchant leur liberté  ou encore les nombreux débats sur la question de l’esclavage, qui aboutiront à son abolition en France, en 1848, ou au Caire, en 1855, à la suppression du marché aux esclaves. Naît alors une série d’œuvres sur ce thème, portée par le sculpteur américain Hiram Powers et sa Greek Slave, de 1844, suivie par plusieurs artistes italiens, dont Giovanni Antonio Lanzirotti et Scipione Tadolini, en 1858 et 1862. C’est dans cette veine que s’inscrit La Jeune Esclave. Bien que représentant une femme nubienne, Rossetti s’inspire des canons hellénistiques de l’art classique, mais aussi des œuvres de ses prédécesseurs. Il donne à cette figure dénudée, parée d’un simple collier, aux cheveux tombant dans le dos, un regard résigné mais un corps ostensiblement sensuel. Néanmoins, l’artiste accompagne cette statue d’un piédestal aux bas-reliefs à caractère plus politique : quatre scènes montrant la terrible réalité de la vie des esclaves, de leur capture à leur arrivée au marché, en passant par le trajet à bord du bateau négrier sur le Nil.