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Lot n° 110

Caspar David Friedrich

Estimation :
150 000 - 200 000 EUR

Caspar David Friedrich (1774 Greifswald - Dresde 1840) - Brouillard matinal - Paysage de Bohème. Aquarelle sur crayon et plume noire sur vélin. 1828. 12,8 x 20,5 cm. Daté à la plume grise en bas à gauche "den 16t Maij 1828" et titré en bas à droite "Morgennebel". Il y a 250 ans naissait à Greifswald l'inventeur du romantisme, Caspar David Friedrich, qui créa à Dresde l'art pour une nouvelle époque - c'est le titre de la récente exposition à la Kunsthalle de Hambourg. Après des études à l'Académie de Copenhague, Friedrich s'est installé à Dresde en 1798, où il est devenu la figure dominante de la vie artistique de Dresde après 1800. C'est ici qu'il a opéré sa rupture avec les traditions du baroque et du classicisme, c'est ici qu'il a réuni le paysage et la religion, c'est ici qu'il a créé un monde d'images qui exigeait du spectateur et le dépassait parfois - tant ses inventions picturales visant à une esthétique d'effet tout à fait particulière étaient radicalement modernes. Friedrich a "romantisé" l'"ordinaire" et le "connu" dans le sens de Novalis, il a transformé et magnifié le motif du paysage, il l'a placé au centre de son esthétique, il en a fait l'expression de sa compréhension sacrée du monde. Sur notre aquarelle, le regard est attiré par un paysage qui s'étend loin dans l'espace profond ; en passant par une colline légèrement ascendante, divisée en bandes de couleur horizontales, le regard se pose sur le creux d'une vallée, derrière laquelle se trouve une chaîne de montagnes. Friedrich étale le paysage, le regard n'est pas limité, il ne s'agit pas d'une composition paysagère au sens classique du terme, où les arbres ou autres repoussoirs introduisent dans l'espace paysager - chez lui, le paysage est ouvert, pour ainsi dire "désenclavé", limité à la section qui s'offrait à Friedrich. Et pourtant, il ne se contente pas de décrire un simple extrait de la nature, Friedrich subordonne plutôt la nature à un système de dessin et à un calcul de composition : La moitié inférieure de la feuille est soigneusement construite à partir de quatre bandes horizontales de couleur en aplat, dont la forme abstraite contraste avec la silhouette ondulée des montagnes, que Friedrich n'a indiquée qu'avec sa fine plume, sans couleur. Notre aquarelle est un exemple remarquable de la manière dont Friedrich voit la nature - chez lui, la nature ne ressemble pas à ce qu'elle est, mais à ce qu'il voit. Il soumet la nature à un subjectivisme qui n'était possible qu'à l'époque du romantisme ! Avec des moyens de dessin économes, Friedrich conçoit donc un paysage qui présente plus qu'un simple extrait de nature : Juste à la limite, là où la forme abstraite se transforme en observation de la nature, se trouve sur la colline un calvaire en pierre avec une croix. Ce n'est pas un hasard s'il est placé exactement au milieu de la feuille - le Bildstock est le centre de force de l'image, il remplit la feuille de cette symbolique religieuse si caractéristique de Friedrich, encore accentuée par l'inscription "Morgennebel" (brouillard matinal), écrite de sa propre main et mise en scène comme un titre. Chez Friedrich, le brouillard est bien plus qu'un simple phénomène météorologique, il est soumis chez lui à une poésie tout à fait particulière, qui a des traits religieux. Helmut Börsch-Supan a d'ailleurs fait remarquer que Friedrich, dans l'inscription, exprime l'espoir, après sa grave maladie vécue en 1825/26 mais pas encore complètement surmontée au printemps 1828, que le soleil du matin qui se lève dissipe le brouillard impénétrable de la nuit, dans lequel se trouverait une métaphore de la maladie. En guise de thérapie, Friedrich aurait entrepris au printemps 1828 une randonnée en Bohême, au cours de laquelle notre aquarelle a été réalisée dans la région de Teplice. Friedrich était arrivé le 9 mai 1828 à Teplice, dans le nord de la Bohême, en compagnie d'August Philipp Clara, un graveur sur cuivre et peintre paysagiste originaire des pays baltes et travaillant à Saint-Pétersbourg, que Friedrich connaissait depuis une visite dans son atelier deux ans auparavant. Ils arrivèrent dans une région que Friedrich connaissait bien depuis 1807. Le jour même de son arrivée, Friedrich réalisa une aquarelle des ruines du Schlossberg près de Teplitz (Staatliche Kunstsammlungen zu Dresden, Kupferstich-Kabinett, Inv.-Nr. 1913-33, cf. Grummt 929) et resta dans la région jusqu'au 16 mai, comme en témoignent les aquarelles datées (Copenhague, Statens Museum for Kunst, Den kongelige Købberstiksamling, Inv.-Nr. KKS 1975-605, cf. Grummt 912). Notre aquarelle, également réalisée le 16 mai, ressemble à la feuille de Copenhague dans son approche du paysage par bandes - sur les deux feuilles, le premier plan est saisi dans ses couleurs par de larges coups de pinceau. Il s'agissait manifestement pour Friedrich de fixer les impressions de couleur que lui offrait le brouillard matinal dans la vue de paysage qui s'offrait à lui. Les bandes jaunes et vertes du premier plan

vendredi 17 mai 2024 - 13:00 - Live
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