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Lot n° 45

Tinan (Jean de)

Résultat :
Non Communiqué
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Correspondance croisée avec Marie Lepel-Cointet. 31 décembre 1893-27 septembre 1898. Reliure de l'époque : deux volumes in-8 (22,5 x 16 cm), demi-chagrin noir, dos lisse orné de fleurons et pointillés dorés, têtes de mort dorées. Fascinante correspondance intime inédite complète entre Jean de Tinan et son amie « protectrice », réunissant 134 lettres croisées. Document psychologique extraordinaire couvrant la vie, les projets, la maladie, les émotions et les amours du jeune écrivain, notamment sa passion malheureuse pour Édith Durant, la Flossie de Penses-tu réussir ? 280 et 285 pages de formats divers montées sur onglets : 74 lettres autographes signées de Jean de Tinan (1874-1898), avec une lettre dictée signée, et 60 lettres autographes signées de sa parente éloignée et confidente Marie Lepel-Cointet (1861-1913). Celle-ci, née Marie-Lucie Valais, devenue en 1877 Mme Lepel-Cointet, fit relier cet ensemble après la mort de Tinan, qu'elle considérait et aimait comme un jeune frère. Mais c'est en fait Tinan lui-même qui eut l'intention de réunir ces lettres comme témoignage de sa passion et de sa souffrance, ainsi que le prouvent trois feuillets reliés en tête du premier volume, portant de sa main « Lettres de 1893 et 1894 » et « Ma vie », et ainsi que la note de Marie Lepel-Cointet ouvrant cet ensemble, intitulée « Vers la mort » et datée du 28 novembre 1898, dix jours après le décès de Tinan. Certaines lettres ne sont pas datées et le suivi chronologique n'est pas toujours respecté. Ces pages révèlent l'évolution des sentiments du jeune écrivain et en offrent l'analyse lucide par lui-même, alors que de la maladie qui l'emportera s'empare peu à peu de son existence. Tinan est bien conscient de ses propres contradictions modulées par son extrême sensibilité « oscillant entre amour et mépris de soi », avec « son exquise ironie s'exprimant autant dans l'enthousiasme que dans le scepticisme » (Jean-Paul Goujon). Tinan dit « sentir cette sensibilité se tendre jusqu'à se briser comme les cordes d'un piano se rompent laissant un souvenir lamentable dans la pièce qui redevient silencieuse ». Sa correspondante fait alors figure de protectrice et de consolatrice, et prend tour à tour un ton indulgent ou parfois teinté de reproches affectueux visant à réconforter Tinan. La grande figure qu'on découvre à travers ces pages est celle d'Édith Durant, bien qu'elle ne soit qu'exceptionnellement nommée. La future Flossie de Penses-tu réussir ? y est décrite comme la bien-aimée idéale, sans comparaison avec les « petites amies », et malgré l'échec de cet amour perdu : « Je suis mort à la vie. Celle que j'aime est loin très loin. Je VEUX l'aimer jusqu'à la dernière heure », et plus loin : « Je regrette mélancoliquement celui que j'aurais pu être si elle m'avait aimé ! Croyez-vous qu'un jour cette phrase me brûlera moins fort ? » Et avec les autres femmes, « je sais dire ‘je t'aime' d'une voix sans timbre - mais au fond tout saigne, cela saigne & le sang peu à peu monte et m'étouffe ». C'est probablement à Jumièges que Tinan rencontra Édith Durant du Rousset (1876-1968) dont la famille, établie à Tunis, était apparentée aux propriétaires de l'abbaye. Elle épousa en 1895 Paul Hackenberger, banquier et administrateur de la Société du Gaz et des Eaux de Tunis. Tinan conseille aussi à Marie certains livres : Les Chansons de Bilitis et L'Esclavage de Pierre Louÿs, les ouvrages de Gide, d'Annunzio, Huysmans, du Sâr Péladan, Wilde. Il ironise sur les collaborateurs de La Revue blanche, « tous en cravate & si polis, si polis [...] seulement ils ont oublié d'avoir une âme ». Une lettre écrite de Jumièges durant l'été 1896 dresse un bilan sans concession des écrivains de cette fin de siècle. Tinan fait un classement entre les « modistes », comme Paul Hervieu, les « créateurs » (les poètes) et les « compreneurs » ou les critiques, parmi lesquels il se range, se moquant de la « stampomanie » ou manie de se faire imprimer. Une visite à Stéphane Mallarmé avec son ami Lebey l'a marqué : « Il me semble, au milieu de cette simplicité, avoir reçu une sorte de baptême. J'ai presque envie d'oser être moi un jour [...] de cesser de montrer le masque souriant derrière lequel je sanglote. » Provenance : Marie Lepel-Cointet.

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