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Lot n° 20

Laforgue (Jules)

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Les Impressionnistes. Manuscrit autographe, [1882-1883], 6 feuillets (32,5 x 20,5 cm). Reliure : Le manuscrit est monté sur onglets dans une reliure souple de maroquin à long grain noir d'Alidor Goy, étui. Très important manuscrit inédit du poète qui, avant de mourir à 27 ans, fut un critique d'art visionnaire, une des toutes premières études sur l'impressionnisme, extraordinairement pointue. Étoile filante de la poésie, Jules Laforgue (1860-1887) voulait avant tout être critique d'art, et il passa un temps considérable entre la Bibliothèque nationale, le Louvre et l'École des Beaux-Arts, avant qu'à 21 ans, Gustave Kahn ne l'introduise auprès de Charles Ephrussi, dont il devint le secrétaire. Ceci lui donna accès à la collection de tableaux du futur propriétaire de la Gazette des Beaux-Arts, construite autour de ses amis Manet et Renoir. Grâce à Ephrussi, Laforgue fit ses premiers pas de critique d'art, puis devint lecteur en Allemagne auprès de l'impératrice Augusta de 1881 à 1886. Visitant musées et marchands en Allemagne, il envoya des comptes rendus au journal d'Ephrussi et c'est dans ce contexte qu'il rédigea le présent article, qu'il destinait en outre à une traduction en allemand. Laforgue signale en 1883 ce travail dans des lettres à Ephrussi et à Charles Henry (Œuvres Complètes, tome I, page 850). Seul un brouillon partiel, exploité en 1903 dans Le Mercure de France par Camille Mauclair, fut publié, de façon posthume et avec des rajouts dus à Mauclair (Œuvres complètes, tome III, page 336, réédité en 1999). Le présent manuscrit, élaboré et complet, est resté inconnu et inédit. Ce manuscrit se réfère à une exposition chez Gurlitt qui incluait de nombreuses toiles impressionnistes, dont des œuvres de Monet, Pissarro, Renoir, et Manet, « le chef, l'initiateur, mort il y a un an ». Laforgue évoque la controverse qui entoure les impressionnistes : « Les musées les ignorent, l'institut et les peintres établis les tiennent pour non avenus, la presse qui s'en est d'abord égayée et en a fait comme les caricatures et les théâtres de genres, un thème à plaisanteries, joue la conspiration du silence, le public d'abord égayé aussi, ne va plus que par curiosité désintéressée à leurs annuelles Expositions d'Indépendants, quelques amateurs artistes les achètent et en meublent leurs salons au risque de compromettre leur réputation d'honnêtes gens. » Laforgue cite les critiques et littérateurs qui ont défendu cett jeune peinture, d'Ephrussi, Duret, Huysmans, Burty ou Duranty à Zola et évoque les termes d'« école du plein air », d'« école des Batignoles », d'« école de la pure tache », ou plus simplement d'« artistes indépendants ». Il relève cependant qu'avant lui personne, hormis Paul Bourget, n'a abordé cette peinture du point de vue de la physiologie optique. Avec une grande acuité, Laforgue relie alors « l'œil impressionniste » à l'esthétique de la visualité de Gustav Fechner : « L'œil impressionniste ne doit connaître que les vibrations lumineuses comme le nerf acoustique ne connaît que les vibrations sonores », comparant l'œil académique à l'œil impressionniste « qui voit de riches décompositions prismatiques et rend la nature telle qu'elle est, c'est-à-dire en vibrations colorées [...] Donc l'œil impressionniste est comme l'œil primitif, un œil pur sensible uniquement au monde des vibrations lumineuses, ignorant les renseignements tactiles c'est-à-dire le dessin linéaire et la perspective dessinée, et de plus il a les ressources infinies de l'organe prismatique le plus subtil que peinture ait encore révélé. Pour cet œil, un paysage, une scène des rues, est un ensemble de taches diverses en variation et vibration incessante dans la vie des masses ondulatoires atmosphériques, taches uniquement modelées par d'autres taches vibrantes et se perspectivant à leurs plans vivants par les vibrations de l'ensemble ». Dans ce contexte, le plein air des impressionnistes correspond en fait d'une façon plus générale simplement à « la peinture des êtres et des choses dans leur atmosphère » réalisée à travers le prisme d'une vraie « révolution optique ». Parlant du peintre impressionniste lui-même, Laforgue poursuit : « Il a une palette, une toile, il se place devant un morceau quelconque de paysage ou de boulevard et peint tout de suite, sans dessin préalable et sans indication de perspective à points de repère, établissant sa forme et ses plans, la vie en en un mot, par mille taches colorées, irrégulières, en tous sens, comme des paillettes dansantes. » Laforgue aborde encore l'utilisation du violet, « qui défraya les indignations et les plaisanteries » et cite les travaux de Magnus et de Fechner, ainsi que le concept de la proximité avec l'ultra-violet, dont les vibrations sont les plus nombreuses et les ondes les plus courtes. Et il conclut de façon prophétique sur

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