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Lot n° 10

WILLEM KEY BREDA, 1515 / 1516 - 1568, ANVERS

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Le Calvaire Huile sur panneau Signé sur la croix W. Kay 102 x 74 cm La disposition frontale et centrée de la croix, entre la Vierge et saint Jean - sans la figuration des deux larrons - avec, en arrière-plan, le panorama de Jérusalem et de ses environs immédiats, perpétue un dispositif iconographique qui remonte au Moyen Âge. Inspiré par les Évangiles, il est récurrent dans le décor des autels, au centre des retables. La croix est ici au coeur du schéma organisationnel de la composition. C'est l'instrument du sacrifice du Sauveur pour le rachat de l'humanité, le signe universel du Salut. Par ailleurs, depuis la nuit des temps les croix sont des symboles solaires et une représentation des quatre directions de l'espace. Ici le centre de la croix, au croisement des bras, coïncide avec la situation symbolique de Jérusalem, le site de la Passion, point de convergence de la chrétienté. Le corps du Christ est fluide, pâle sans être affecté par aucun signe de morbidité, d'une pureté, pourrait-on dire, eucharistique. La plaie, sur le flanc droit du torse, est discrète. L'expression du visage évoque le sommeil. Au pied de la croix figure le serpent terrassé, instigateur du péché originel. « Félix Culpa » (heureuse faute) puisque qu'il préfigurait la venue du « second Adam » (Jésus) et son sacrifice salvateur. Au côté du serpent, ce n'est pas le crâne d'Adam qui figure, comme le veut la tradition, mais son squelette recroquevillé mêlé en une étreinte macabre à la dépouille du reptile. Ce détail inhabituel évoque à la fois la localisation de la crucifixion sur le Golgotha selon les Écritures - là où se situerait la tombe d'Adam - et sa portée eschatologique. À côté, la flèche brisée, symbolise la victoire sur la mort. Là où le premier homme a été inhumé, le Verbe incarné est sacrifié pour mettre fin à la condamnation de l'humanité. Saint Jean qui se dresse à côté, avec son évangile, en témoigne d'un geste de la main droite. Il a longtemps été considéré comme le premier des évangélistes. Sous les pieds du crucifié, tel un hommage, William Key a figuré un petit document scellé portant son nom. Il répond au « Titulus » qui, au sommet de la croix proclame par dérision « Jésus de Nazareth, roi des Juifs ». Perché au-dessus du « Titulus », le pélican, emblème bien connu du Christ et de la charité, se sacrifie pour ressusciter ses petits en se perçant le flanc et en les inondant de son sang. Le peintre associe ainsi à l'élément central du dispositif iconographique une allégorie qui synthétise le sens de la crucifixion dans l'économie du Salut. Quatre autres allégories complètent le programme iconographique de part et d'autre de la Croix. En haut, à la droite du crucifié, une jeune femme avec un livre ouvert (la vérité) sur les genoux, tenant une palme et un ouroboros (symbole de l'éternité), accompagnée d'un agneau (l'humilité) et d'un enfant (l'innocence), trône dans les nuées. C'est l'allégorie de la Patience, vertu associée à l'Espérance. Un peu plus haut à droite dans le ciel figure le phénix, oiseau mythique qui renaît de ses cendres, autre image christique, qui symbolise la Résurrection. Une relation s'impose entre les deux images. Leur message implicite incite à la patience, la vertu de l'attente, en prévision du Jugement dernier et de « la résurrection des corps et la vie du monde avenir » (Credo). À gauche de la croix, le pendant de l'allégorie de la Patience est une jeune femme qui dégaine un glaive. C'est la Justice, l'une des vertus cardinales. Un aigle en vol, situé un peu plus haut à gauche, l'accompagne. C'est l'image du Juste. Il porte ses petits perchés sur ses ailes, les force à regarder le soleil sans ciller et rejette celui qui s'y refuse. Il s'agit bien sûr du « Soleil de Justice qui viendra avec la guérison dans ses rayons », c'est-à-dire le Christ selon la prophétie de Malachie. Ici aussi les deux images associent leur sens. À l'arrière-plan du tableau, enfin, se déroule le panorama de Jérusalem qui ne prétend pas à une restitution archéologique de la ville, d'ailleurs problématique à la fin du XVIe siècle. Ce qui s'offre au regard, c'est une cité du Nord de l'Europe, dominée par son château, familière au peintre natif de Breda et citoyen d'Anvers. Il y transpose l'épisode ultime de la Passion et confère ainsi une actualité à cet événement fondateur. Les tableaux religieux de William Key ont subi la fureur des iconoclastes en 1581. Avec cette Crucifixion, la Piéta (1553) de la collection Henkel et la Cène du musée de Dordrecht sont les seules de ses peintures religieuses qui semblent subsister. Nous remercions Pierre Talmant pour son aide aimable dans la rédaction de la notice.

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