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Lot n° 82

RIMBAUD Arthur (1854-1891). Poète français. L.A.S...

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RIMBAUD Arthur (1854-1891). Poète français. L.A.S à « Mes chers amis » [sa famille], Aden, le 15 janvier 1885. 4 pp. in-4. Quelques légères déchirures aux plis (hors texte). Longue et magnifique lettre dont il faut tout citer ! « J’ai reçu votre lettre du 26 Xbre 84, merci de vos souhaits, que l’hiver vous soit court et l’année heureuse. Je me porte toujours bien dans ce sale pays. J’ai rengagé pour un an, c’est à dire jusqu’à fin 85, mais il est possible que cette fois encore les affaires soient suspendues avant ce terme. Ces pays-ci sont devenus très mauvais depuis les affaires d’Egypte. Je reste aux mêmes conditions. J’ai 300 francs net par mois, sans compter mes autres frais qui sont payés et qui représentent encore 300 autres francs par mois. Cet emploi est donc d’environ 7000 francs par an, dont il me reste net environ 3500 à 4000 francs à la fin de l’année. Ne me croyez pas capitaliste, tout mon capital à présent est de 13 000 francs, et sera d’environ 17 000 francs à la fin de l’année. J’aurai travaillé 5 ans pour ramasser cette somme. Mais quoi faire ailleurs ? J’ai mieux fait de patienter là où je pouvais vivre en travaillant car quelles sont mes perspectives ailleurs. Mais c’est égal, les années se passent, et je n’amasse rien, je n’arriverai jamais à vivre de mes rentes dans ces pays. Mon travail ici consiste à faire des achats de café, j’achète environ 200 mille francs par mois, en 1883 j’avais acheté plus de trois millions dans l’année, et mon bénéfice là dessus n’est rien de plus que mes malheureux appointements, soit trois quatre mille francs par an, vous voyez que les emplois sont mal payés partout. Il est vrai que l’ancienne maison à fait une faillite de neuf cent mille francs, mais non attribuable aux affaires d’Aden, qui, si elles ne laissèrent pas de bénéfice, ne perdaient au moins rien. J’achète aussi beaucoup d’autres choses : des gommes, encens, plumes d’autruche, ivoire, cuirs secs, girofles, etc, etc, Je ne vous envoie pas ma photographie, j’évite avec soin tous les frais inutiles ; je suis d’ailleurs toujours mal habillé, on ne peut se vêtir ici que de cotonnades très légères ; les gens qui ont passé q [uel] ques années ici ne peuvent plus passer l’hiver en Europe, ils crèveraient de suite par quelque fluxion de poitrine. Si je reviens, ce ne sera donc jamais qu’en été, et je serai forcé de redescendre en hiver au moins vers la Méditerranée. En tous cas, ne comptez pas que mon humeur reviendrait moins vagabonde, au contraire, si j’avais le moyen de voyager, sans être forcé de séjourner pour travailler et gagner l’existence, on ne me verrait pas deux mois à la même place. Le monde est très grand, et plein de contrées magnifiques que l’existence de mille hommes ne suffirait pas à visiter. Mais d’un autre côté, je ne voudrais pas vagabonder dans la misère, je voudrais avoir q [uel] ques milliers de francs de rentes, et pouvoir passer l’année dans deux ou trois contrées différentes, en vivant modestement, et en faisant q [uel] ques petits trafics pour payer mes frais. Mais pour vivre toujours au même lieu, je me trouverai toujours cela très malheureux. Enfin, le plus probable, c’est qu’on va plutôt où l’on ne veut pas, et que l’on fait plutôt ce qu’on ne voudrait pas faire, et qu’on vit et décide tout autrement qu’on ne le voudrait jamais, sans espoir d’aucune espèce de compensation. Pour les Corans, je les ai reçus il y a longtemps, il y a juste un an, au Harar même. Quant aux autres livres, ils ont en effet dû être vendus. Je voudrais bien vous faire envoyer quelques livres, mais j’ai déjà perdu de l’argent à cela. Pourtant, je n’ai aucune distraction ici, où il n’y a ni journaux, ni bibliothèques, et où l’on vit comme des sauvages. prochainement Ecrivez cependant à la librairie Hachette, je crois, et demandez quelle est la plus récente édition du « Dictionnaire de commerce et de navigation de Guillaumin ». S’il y a une édition récente, d’après 1880, vous pouvez me l’envoyer il y a deux gros volumes, ça coûte cent francs, mais on peut avoir celà au rabais chez Sauton. Mais s’il n’y a que des vieilles éditions, je n’en veux pas. Attendez ma prochaine lettre pour cela. Bien à vous Provenance : « Quatre pages de format in-quarto », Vente des 26-30 janvier 1926 de la collection Georges-Emmanuel Lang, nº 1340 ; va 16 novembre 1983 à Drouot ; catalogue de septembre 1990 de la librairie Les Neuf Muses. Puis, de la librairie de l’Abbaye à la collection de Monsieur M et au propriétaire actuel par succession. Littérature : Lettre publiée dans la correspondance de Rimbaud, Fayard, p 416 et 417. Les notes de la correspondance nous indiquent : « Première publication : par Berrichon, des extraits (très approximatifs) dans La Revue blanche du 1 septembre

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