JUAN GENOVES (1930 - 2020) Lot n° 4

Cuatro Caminos, 2006 Acrylique sur toile, signée et datée en bas à droite Acrylic on canvas, signed and dated lower right 200 x 210 cm 78 47/64 x 82 43/64 in. PROVENANCE Galeria Manel Mayoral, Barcelone, 2006 Collection privée, Belgique Né à Valence en 1930 et mort en 2020 à Madrid, Juan Genovés est un peintre et un graphiste espagnol. Engagé, il aimait questionner le rôle de l’artiste ainsi que sa place dans la société. Aussi expressionniste que provocateur, anti-Franciste, Juan Genovés questionne les mécanismes de la dictature en opposant dans ses œuvres l’individu à la foule. Ses toiles apparemment simples cachent en réalité une grande complexité sous-jacente. Abstraites de près, elles prennent tout leur sens une fois appréhendées avec plus de distance. Les figures humaines, indéfinies et grouillantes, revêtent un rôle secondaire malgré leur omniprésence dans la composition. Elles s’effacent pour laisser la place au mouvement qu’elles produisent et au contexte dans lequel elles évoluent. Visuellement très riches, ses œuvres ont plusieurs niveaux de lecture. Les images qui en résultent ont pour volonté de récuser celles crées par les médias de masse, et de dénoncer la manipulation humaine qui découle de leur utilisation. Abhorrant les politiques autoritaires, Genovés voit la foule sert de catalyseur social. Pourtant, au-delà du sentiment d’oppression qu’elles provoquent, les toiles de Juan Genovés sont indéniablement poétiques. Colorées et vivantes, elles fourmillent de détails. Pour creuser visuellement le fossé entre l’un et la multitude, l’individu est représenté sous forme de collage, tandis que les foules sont peintes de manière plus graphique. Le jeu de l’artiste sur les textures et sur l’épaisseur des différentes couches de peinture permet de produire tout un spectre d’objets, de bâtiments et de personnages, tous en interaction les uns avec les autres, en tout autant de chorégraphies improvisées par une forme d’inconscient collectif. « Toute la question est déjà là : faut-il considérer la foule comme un être vivant, doté de qualités autonomes, irréductible aux individus qui la composent ? Y a-t-il plus dans la foule que dans l’addition des unités dont elle est faite ? » Lorsque l’on se rapproche, chaque personnage est unique tant dans sa pose que dans son attitude et ses couleurs, tout en faisant partie intégrante du groupe. Millimétrées, les toiles de Genovés revêtent un aspect méditatif, et les mouvements imaginaires de ces foules statiques ont l’allure envoutante et psychédélique d’un caléidoscope. Cette toile de 2006 nommée Cuatro Caminos représente un de ces mouvements de foule si caractéristiques du style de l’artiste. Les personnages, venant de quatre chemins distincts, semblent se retrouver au centre de la toile comme happés par une force invisible. La lumière est basse et les ombres sont étirées, renforçant le sentiment d’étrangeté que provoque cette mystérieuse procession. S’il est impossible de savoir ce qui réuni ces personnages en ce lieu, c’est finalement l’absence de ceux-ci par endroits de la toile qui intriguera le plus les spectateurs. Semblant éviter les zones dans l’ombre, se réunissant en un cercle parfait autour d’un objet invisible, ce sont finalement les potentialités inexploitées et inexpliquées de cette foule qui fascinent le plus.