Macke, August Lot n° 8037

"Jardin au bord du lac de Thoune III" Aquarelle sur crayon sur papier. 1914. 24 x 31 cm. Au verso, cachet rouge de la succession, où Elisabeth Erdmann-Macke a écrit à la plume en noir "120 a" ainsi que, dans la marge supérieure, titre au crayon et mention "vendable" et "120 a". Probablement Heiderich 531 (sans ill., localisation inconnue). Un paradis. Un jardin d'Eden terrestre, juste avant la catastrophe. La nature est remplie de lumière, les couleurs jouent, scintillent, brillent. Ces grands thèmes de l'œuvre de Macke apparaissent ici comme le motif de base constitutif. Des champs délicatement éclairés puis vivement colorés de rose et de jaune, de bleu et de vert, ainsi que des touches de couleur juxtaposées par petites touches forment, à la manière d'un vitrail à facettes, le décor abstrait du jardin, dans lequel rayonnent en étoile les pointes des palmiers jaune-vert. Le froid et le chaud, le clair et le foncé s'opposent, tout comme les teintes complémentaires. Les bacs et les troncs des palmiers interprètent le motif dans l'espace, tout comme les surfaces colorées en diagonale et en perspective au niveau du sol. Comme dans les aquarelles de Tunis inspirées par son voyage en Tunisie avec Paul Klee et Louis Moilliet en avril 1914, le papier blanc transparaît ici aussi par endroits à travers la mosaïque de couleurs. Presque comme dans un vitrail, les champs des surfaces colorées structurées verticalement et en diagonale sont décalés dans les valeurs de luminosité à la manière d'un échiquier, les surfaces cristallines anguleuses et les courbes plates sont finement équilibrées les unes par rapport aux autres dans un mouvement oscillant ; elles se distinguent clairement les unes des autres dans un clair-obscur puissant et reflètent la réception de Macke des formes cubistes. Du point de vue artistique et de l'organisation culturelle, les années 1912/13 représentent déjà un point culminant dans l'œuvre de Macke, avec entre autres des expositions du "Blaue Reiter" à Munich chez Thannhauser, à Cologne, Hagen, Francfort et dans la galerie berlinoise "Der Sturm", avec des expositions du "Sonderbund" et le premier Salon d'automne allemand. En 1912, Macke avait fait la connaissance de Delaunay à Paris, vu les cubistes français et surtout Picasso au "Sonderbund", et découvert les œuvres des futuristes italiens au Salon d'art Feldmann de Cologne. Après avoir suivi avec attention et intérêt l'œuvre de Delaunay, Macke se montre particulièrement influencé par ses "Contrastes simultanés" dans la petite série d'aquarelles de Hilterfingen : en 1914, en étroite relation avec le voyage de Macke à Tunis, il réalise dans le jardin de la maison Rosengarten à Hilterfingen, au bord du lac de Thoune, un petit groupe d'aquarelles de jardin d'une force rayonnante exceptionnelle (Heiderich 464-468). Quatre d'entre elles sont répertoriées dans le fonds sous "A 120 a" ou "A 120" comme "Unser Garten am See" (Notre jardin au bord du lac) ; deux d'entre elles n'étaient jusqu'à présent connues que par des illustrations, une autre est considérée comme perdue. Au sein de ce petit ensemble d'œuvres, la feuille présentée ici, très probablement le numéro Heiderich 531, devrait donc très probablement se situer entre les numéros 467 (Garten am Thunersee II) et 468 (Garten am Thunersee IV) du catalogue raisonné. Par sa composition et ses couleurs, notre feuille est notamment comparable au "Jardin au bord du lac de Thoune" conservé à l'Albertina (Grenadier et palmier dans le jardin, n° inv. DL82, Heiderich 465). Macke possédait une boîte pliante française qui lui servait de chevalet de voyage et dans laquelle les feuilles de papier étaient fixées latéralement à droite et à gauche par des rubans ; les bandes blanches qui en résultent sur les côtés prouvent que l'aquarelle a été réalisée directement devant le motif dans le jardin (Heiderich 1997, p. 43 et 48). "Ces aquarelles magistrales sont bien plus libres de couleur et de forme que les peintures réalisées en même temps. Elles montrent l'artiste à l'apogée de sa force créatrice et ouvrent une petite fenêtre sur ce qu'il aurait pu devenir si la courbe de la vie et de l'œuvre de Macke n'avait pas été si brutalement infléchie par l'éclatement de la guerre". (Heiderich p. 48). Mais la beauté de la vie, Macke la retient encore une fois dans cette aquarelle. Nous remercions le Dr Tanja Pirsig-Marshall, Westfälisches Landesmuseum, Münster, pour ses aimables conseils du 01.05.2023. Provenance : succession de l'artiste, Bonn Collection Dr. Rolf Parow Collection privée Berlin (probablement depuis les années 1950/1960). Exposition : Das junge Rheinland, Kölnischer Kunstverein, Cologne 1918, évent. n° 468 (cat. introuvable) August Macke, Cabinet graphique van Bergh et Comp. (Dr. Koch), Düsseldorf 1919 August Macke, Kestner-Gesellschaft, Hanovre 1935, n° 78 Paula Modersohn-Becker 1876-1907. August Macke 1877-1914, Kunsthalle Basel, 1936, n° 144 Macke. Exposition d'aquarelles, Städtisches Kunsthaus Bielefeld 1957, n° 415 (intitulé là "Unser Garten am See 3" ; non exposé)