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Lot n° 82

STENDHAL (Henri Beyle, dit). Lettre autographe...

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STENDHAL (Henri Beyle, dit). Lettre autographe signée « J.B. Lorimier », adressée à sa sœur Pauline Périer-Lagrange. Paris, 6 décembre 1811. 3 pp. in-4 sur un bifeuillet de papier vélin filigrané à l'effigie de Napoléon Ier et aux armes impériales, adresse au dos ; effets de transparence, déchirure marginale restaurée due à l'ouverture avec atteinte à une lettre, fente à la pliure centrale restaurée avec onglet. MAGNIFIQUE LETTRE. « Mieux vaut un mot que rien. Je voudrais que tu te rappelasses souvent cela. FIGURE-TOI UN HOM[ME] DANS UN BAL CHARMANT où toutes les femmes sont mises avec grâce. Le feu du plaisir brille dans leurs yeux. On distingue les regards qu'elles laissent tomber sur leurs amours. Ce beau lieu est orné avec un goût plein de volupté et de grandeur, mille bougies y répandent une clarté céleste, une odeur suave achève de mettre hors de soi l'âme sensible qui se trouve dans ce lieu de délices. L'HOM[ME] HEUREUX EST OBLIGE DE SORTIR DE LA SALLE DE BAL, IL TROUVE UN BROUILLARD EPAIS, une nuit pluvieuse et de la boue, il trébuche trois ou quatre fois et enfin tombe dans un trou à fumier. VOILA L'HISTOIRE ABREGEE DE MON RETOUR D'ITALIE [Stendhal venait, du 28 avril au 27 novembre 1811, d'effectuer un voyage en Italie où il avait fait la conquête d'Angela Pietragrua, et d'où il rapporta le désir d'écrire une Histoire de la peinture en Italie]. Pour me consoler des platitudes phisiques et morales que j'essuyais en route, je me figurais CETTE BONNE PETITE A. [sa maîtresse Angelina Bereyter, comédienne au Théâtre-Italien] m'attendant avec tout son amour dans mon appartement, auprès d'un bon feu. J'arrive : "Madame est partie depuis longtems". J'eus une soirée d'amoureux. Je sentais que mon désespoir n'avait pas le sens commun, mais j'étais désespéré. Cette bonne petite reviendra le 18 décembre. Vers la même époque je partirai peut-être pour la Hollande. C'est une mission de 15 jours. Viens malgré cela. Ne renvoye pas ton voyage. J'AI TROUVE ICI UNE CHOSE TOUJOURS DIVINE, QUI VA FRAPPER L'ENDROIT LE PLUS TENDRE DE L'AME. C'EST LE JEU DE MLLE MARS AU FRANÇAIS. Cela seul vaut mille lieues. Je les ferais avec plaisir si je savais de trouver un tel plaisir à Alger. J'ai vu ton ami Chambier. Il m'a conté qu'il est en froid avec son père – ou plutôt que son père est en grand froid avec lui, à cause de son absence. Comment cela finira-t-il ? Cela ne finira peut-être pas. NOUVELLE RAISON POUR CHERCHER UN BONHEUR INDEPENDANT. Embrasse mon bon frère et suis la baronnie si on fait quelque ouverture [Stendhal avait l'espoir que son père lui constitue un majorat pour être baron]. TU RECEVRAS Q[EL]Q[U]ES LIVRES PAR LA DILIGENCE à La Tour [La Tour-du-Pin], 2 jours après ma lettre. COMMENCE PAR LES MEMOIRES DU COMTE DE *** DE DUCLOS. C'EST PARIS, EN SUPPOSANT QU'ON EN AIT EXTRAIT LES SOTS ET LES NIAIS [il s'agit du roman à succès Les Confessions du comte de ***, publié en 1741 par Charles Duclos qui y brosse des types parisiens]. Adieu, viens voir ce pays. Si tu manques cet hiver, peut-être ne pourrai-je jamais te le montrer. Ce peut-être est improbable. Employe donc toute l'astuce féminine et tout le caractère d'un homme pour arriver à mon 4e étage... J'ai entrevu Mlle V. [Victorine Mounier, originaire de Grenoble, et dont il fut longtemps amoureux]. Au moment où mes yeux tombèrent sur elle, J'AVAIS L'AIR FAT ET INSOLENT, J'ETAIS SUPERBE PARTICULIEREMENT PAR MON CHAPEAU A PLUMES, je fouettais mon cheval avec toute la majesté possible. Elle m'a paru bien pâle, et moi à elle bien fat peut-être. Je ne l'ai pas saluée par surprise, je compte la saluer au premier beau jour de promenade aux Tuileries. » JEUX DE MASQUES. Stendhal faisait souvent usage de pseudonymes pour désigner des proches et signait souvent de noms divers et variés, comme ici « J.-B. Lorimier » : dans cette pratique, il entrait du plaisir, un désir d'évasion, mais aussi parfois de la malice et une sorte de tentation parricide. Stendhal en usa également dans son œuvre littéraire, menant un important travail d'invention et de jeu sur les noms de personnages et de lieux, désinvoltes ou ludiques, mais souvent signifiants, notamment pour les personnages les plus importants où ils se donnaient à lire comme le symbole d'un destin. SŒUR PREFEREE DE STENDHAL, PAULINE avait épousé en 1808 François-Daniel Périer-Lagrange et habitait alors au château de Thuellin près de Brangues où se déroulerait le fait divers à l'origine du roman Le Rouge et le noir.

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