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Lot n° 2019

Joos van Winghe

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Joos van Winghe Allégorie de la Fama Huile sur toile. 82 x 64 cm. Signé en haut à droite : Jodocus W. Provenance Collection de l'historien d'art Alfred Schubert, acquise en 1927, puis dans la famille. - Vente aux enchères Van Ham, Cologne, 18.11.2005, lot 1659 (attribué à Joos van Winghe). - DELI-collection, Monaco. Littérature Alfred Schubert : Ein verschollenes Gemälde des Jodocus van Winghe entdeckt, in : Weltkunst, XIII (1964), p. 526. Le produit de la vente aux enchères de ce lot ainsi que la commission de Lempertz seront reversés à l'aide humanitaire en Ukraine. Elle annonce la gloire d'un homme, mais répand aussi des rumeurs malveillantes et des médisances - peu de personnages de l'Antiquité sont aussi contradictoires et, pour cette raison même, aussi fascinants que la Fama, qui fait sa première grande apparition dans l'Enéide (c'est elle qui répand la rumeur de la relation inconvenante entre Énée et Didon). Joos van Winghe montre la Fama comme une créature féminine ailée, les cheveux au vent, vêtue d'une robe légère et flottante, assise sur un nuage et planant au-dessus de la terre. Elle souffle dans l'une de ses trompettes, à laquelle sont accrochées des bannières parsemées d'yeux. Cette allégorie de la Fama, une figura serpentinata particulièrement élégante, est remarquable à plus d'un titre : il s'agit de l'un des quatre tableaux signés de Joos van Winghes (deux seulement sont conservés au Kunsthistorisches Museum de Vienne) ; c'est un témoignage important du voyage de l'artiste en Italie ; et il était manifestement largement connu au nord des Alpes, ce qui n'est certainement pas étranger à la gravure congéniale de Johann Sadeler (ill. 1). L'édition française de l'Iconologia de Cesare Ripa (la source d'images la plus consultée par les artistes), parue en 1643, montre que l'allégorie de la Fama de Joos van Winghe était connue et considérée comme une représentation exemplaire. Sous "Renommée", le terme français pour Fama, nous trouvons la Fama de Joos van Winghe représentée sous forme stylisée (ill. 2). Cette entrée est également intéressante parce qu'elle offre une explication de la représentation. La Fama est donc ailée, légèrement vêtue et flotte sur un nuage, car elle ne reste jamais au même endroit et se déplace à grande vitesse en répandant partout le bien et le mal. La renommée, mais aussi la rumeur, comme le sait encore aujourd'hui la sagesse populaire, ont tendance à se répandre "à la vitesse de l'éclair". Traditionnellement, la Fama était toutefois représentée différemment, comme un personnage traversant la campagne d'un pas rapide, tel que Virgile le décrit dans l'Enéide. Ce n'est qu'au 16e siècle que la Fama flottante apparaît de plus en plus en Italie et aux Pays-Bas, cette figure étant toujours la bonne Fama (Fama bona), celle qui annonce la gloire. Joos van Winghe a pu s'inspirer de modèles issus de l'art graphique néerlandais pour créer sa Fama, comme la "Fama und Historia" de Hendrick Goltzius ou la représentation allégorique de Philippe Galles. Dans l'Italie du XVIe siècle, la diffusion de cette figure était liée à la nouvelle perception et conscience de soi des artistes, qui se manifestait par exemple dans les autoportraits, les (auto)biographies, les maisons d'artistes ou la fondation d'académies. Giorgio Vasari a ainsi aménagé dans sa maison d'Arezzo une "Camera della Fama" avec des fresques représentant les personnifications des arts ainsi que la Fama, trônant sur un globe terrestre, au centre (ill. 3). Les biographies des artistes les plus importants de Vasari, les "Vite", pour lesquelles il est encore principalement connu aujourd'hui, étaient accompagnées d'une gravure sur bois représentant la Fama flottant au-dessus des arts. "UBIQUE SEMPER" est la devise de la Fama, écrivait Vasari ailleurs, dans son Zibaldone : "PARTOUT - TOUJOURS". Pour Vasari, la Fama proclamait, partout, la gloire éternelle de l'artiste. Joos van Winghe a sans doute pris connaissance de cette nouvelle conscience de soi de la communauté artistique en Italie lors de son séjour. Comme le rapporte Karel van Mander, il travaillait à Rome pour Alessandro Farnese, népote de Paul III, l'un des mécènes les plus cultivés et les plus puissants de Rome, qui fréquentait des érudits et des artistes (dont Vasari) ; pour Joos van Winghe, qui avait toujours l'habitude de signer - dans cette œuvre également - avec la version latine de son nom, il s'agissait certainement d'un environnement stimulant tant sur le plan intellectuel qu'artistique. Lorsque l'artiste retourna à Bruxelles pour travailler pour Alessandro Farnese, duc de Parme et gouverneur des Pays-Bas méridionaux (donc différent du cardinal homonyme), il avait probablement dans ses bagages artistiques la nouvelle image de l'artiste associée au nouveau type de fama (sur le séjour italien de l'artiste, cf. Nicole Dacos, Voyage à Rome, Les artistes européens au XVIe siècle, Bruxelles 2012, passim). En effet, la renommée de l'artiste était pour Joos van Winghe un élément central de sa vie.

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