CODE NOIR. Lot n° 110

Recueils de règlemens, édits, déclarations et arrêts concernant le commerce, l'administration de la justice, et la police des colonies françaises de l'Amérique, et les engagés. Avec le Code noir, et l'Addition audit Code. Paris, libraires associés, 1765. 2 parties en un volume in-12, basane marbrée, supralibris Émérigon doré au centre du premier plat, dos lisse orné, tranches marbrées (Reliure de l'époque). Nouvelle édition de ce recueil célèbre qui a réglementé pendant un siècle la traite des Noirs et l'esclavage dans les colonies françaises. Cette réimpression renferme tous les actes royaux promulgués entre 1685 et 1744 sur les exportations des colonies françaises, de Guinée, de Louisiane, d'Illinois, du Canada, sur le commerce du café et du sucre, mais aussi sur la conscription, les déserteurs, les galères, etc. Le Code noir et l'Addition, qui occupent les pp. 67 à 174 de la seconde partie, recueillent vingt actes royaux relatifs à la traite atlantique et à la vie des esclaves noirs dans les colonies, limitant le pouvoir du maître dans les domaines du travail, de la discipline et des châtiments, de la religion, du mariage, des enfants, de l'affranchissement, etc., jusqu'à permettre à l'esclave d'en référer au procureur du roi en cas de manquement, tout en le maintenant dans un état inférieur et inhumain. La présente édition semble d'une grande rareté. Elle n'est référencée dans aucune bibliothèque publique de France. L'édition originale de 1685 ne comptait que 14 pp. ; au fil des rééditions, le Code noir fut développé et augmenté des règlements relatifs aux diverses contrées impliquées dans le commerce triangulaire : Saint-Domingue en 1685, le Sénégal, le Cap-Vert, les côtes d’Afrique en 1698, la Guinée en 1719, la Louisiane en 1721... Précieux exemplaire de Balthazard Émérigon, illustre avocat marseillais qui fut, à l'époque, un farouche opposant à la traite et à l'esclavage des Noirs. Balthazard-Marie Émérigon (1716-1784), jurisconsulte, était spécialiste des assurances et du droit maritimes. Il fut également avocat au Parlement de Provence, procureur à la Cour d'appel d'Aix et conseiller au Siège de l'Amirauté de Marseille. Son Traité des assurances et des contrats à la grosse de 1783, traduit et utilisé en Amérique dès le début du XIXe siècle, fit longtemps autorité grâce à sa méthode pionnière en matière de droit comparé (voir le lot n°112). Mais Balthazard Émérigon est demeuré célèbre également pour son rôle dans l'affaire du Comte d'Estaing, du nom d'un brigantin assuré pour la traite négrière qui avait été perdu avec sa cargaison d’esclaves, et dont l'armateur, un négociant marseillais nommé Charles Salles, s'était retourné contre ses assureurs en 1773. Lors du procès, Émérigon, qui défendait les assureurs, développa une plaidoirie d'une ampleur inédite contre contre la traite et l’esclavage, arguant que « l’homme n’est ni une chose, ni une marchandise propre à devenir la matière d’une assurance maritime [...]. Dire que les esclaves noirs sont des choses et des marchandises, c’est se dégrader soi-même en dégradant la nature humaine. » En s’opposant au principe qui faisait des esclaves des « êtres meubles », le jurisconsulte se dressait contre le Code noir, allant jusqu'à soutenir que les esclaves ont raison de repousser la force par la force et à s’interroger sur le principe même de la colonisation. Le tribunal de l’amirauté se montra peu sensible à ses arguments, cependant, et condamna les assureurs à payer le dédommagement réclamé. Provenance exceptionnelle et des plus significatives qui se puissent imaginer sur un exemplaire du Code noir. Le feuillet surnuméraire contenant les pp. 23-24 a été relié entre les tables des deux parties. Mors fendus, coiffe inférieure manquante, coins usés, quelques épidermures, quelques mouillures claires et rousseurs éparses. Sabin, nos 68420 et 68439 – G. Rambert, Histoire du commerce de Marseille, Paris, 1959, VI, 174-175.