COLETTE (Sidonie Gabrielle Colette, dite) Saint-Sauveur-en-Puisaye,... Lot 45

COLETTE (Sidonie Gabrielle Colette, dite) [Saint-Sauveur-en-Puisaye, 1873 - Paris, 1954], romancière française. Lettre autographe signée, adressée à Marguerite Moreno. « Samedi soir tard » [cachet de la Poste du 22 juin 1925] ; 4 pages in-4°, à l'encre et au crayon, enveloppe timbrée jointe. MAGNIFIQUE LETTRE : « Tu m'en veux ? Non, au fond, tu ne m'en veux pas. Laisse-toi attendrir par un regard, tu sais, celui que la chatte Nonoche me jetait : "Oui, je t'aime... attends un peu..." Ne me crois pas folle, ni déchaînée, ma chère âme. C'est bien pis, va, que faire ? Ah ! laisser faire. Me laisser vivre, me laisser me taire, me laisser parler. Non je ne suis pas folle, c'est beaucoup plus grave. Qui remercier ? Toi, et le Dieu Hasard, et qui et quoi encore ? La Chiwawa nous a vus ensemble : elle n'a vu que deux camarades tranquilles, qui ressemblaient à deux amis, - luxe de s'offrir, par surcroît, l'amitié ! C'est à peine croyable. Et quand elle me téléphonait parfois "que fait Maurice ? où est Maurice ?" je lui répondais en toute vérité : je n'en sais rien, nous ne nous téléphonons pas dans la journée". C'est vrai. Nous attendons le soir, qui nous rapproche. Qu'Anna de Noailles soit folle de Maurice, que Winnie l'ait convié fidèlement, qu'Hélène de Chimay cite ses mots, cela me parait tout simple. J'ai été vite. Il part demain matin pour Londres et nous venons de nous dire au revoir avec simplicité. Il compte revenir mercredi ou jeudi, - petite épreuve, mais épreuve. Oh ! je ne fais pas de dignité, tu me connais : reconnais-moi, ma chère âme. Il me tarde de te voir. La tournée d'août empoisonne mes jours et me fatigue. [...] R'aime-moi ? Tu as auprès de toi ton amie. Elle a pu me reprocher, avec mille raisons de l'avoir délaissée - qu'elle songe, pour me le pardonner, que j'ai délaissé jusqu'à toi. Je t'embrasse, j'embrasse Pierre, et je suis tu le sais bien, ta Colette. »