Gazette Drouot logo print
Lot n° 31

COLETTE (1873-1954)

Estimate :
Subscribers only

L.A.S., 1er mars [1945], à Marguerite Moreno; 2 pages in-4 et 3 pages obl. in-8 (une enveloppe jointe). Émouvante lettre sur la mort de son amie la poétesse Hélène Picard. Elle mérite les reproches de Marguerite comme elle mérite son indulgence: «J'étais ensauvagée de travail»... S'y ajoutent une visite de sa fille, une maladie de Morhange, et encore du travail. «Puis, mort (affreuse) d'Hélène Picard. Comme la plus romantique des poètes, elle meurt à l'hôpital, inconnue, méconnue, seule, et muette. Une voisine, Marguerite d'Escola, la découvre à St Jacques, ne la reconnaît pas, dans une salle commune non chauffée. Elle lui parle, voit qu'elle entend encore et sourit à mon nom. "Je vais faire le déjeuner de mon mari et je reviens!" [...] Mais Hélène, qui s'était cachée de tous pour mourir, et pour qu'on ne sache pas que ses lésions osseuses avaient fait d'elle une naine méconnaissable, a déjoué Mme d'Escola: au retour de celle-ci, Hélène s'était arrangée pour mourir et on l'avait déjà descendue à la salle des morts. [...] Quand on a ramassé Hélène pour la porter à St Jacques, depuis des mois elle ne marchait plus qu'à quatre pattes. [...] Ses dernières forces ont été pour se cacher. Enfin, avec l'aide d'un brave médecin de quartier, tout a réintégré le protocole inflexible: cimetière de Bagneux, et la soeur est venue pour bazarder les petits vases d'opalines et les images de piété»... Colette travaille depuis dix jours pour la Revue de Paris, qui lui a demandé une petite étude sur Hélène: «Je n'ai jamais rien fait de semblable et je n'avance guère»... Elle donne des nouvelles des Carco, qui sont rentrés en ramenant «un chien-catastrophe», d'autres de la santé de Morhange, et elle apprécie la lettre de Marguerite sur la vie de Nice. «Je voudrais m'asseoir à l'ombre de ton moulin avec toi, et écouter l'oiseau qui dit 888888»... Maurice [Goudeket] «est toujours "le chien actif-qui-n'aboie-pas". Bonne espèce»...