Albert Marquet sous le charme de la Normandie
Le peintre a suivi le fil de l’eau tout au long de sa carrière, le menant de Bordeaux à Paris en passant par l’Algérie, mais aussi la Normandie, comme en témoigne cette vue du port d’Honfleur.

Estimation : 80 000/100 000 €
L’eau plus que tout autre motif nous évoque aussitôt la peinture d’Albert Marquet. L’élément liquide lui confère une certaine intemporalité, ce petit supplément d’âme qui parachève à merveille son dessin épuré, ses teintes réduites à un camaïeu de blanc et de gris, ses cernes noirs et la lumière opalisée harmonisant l’ensemble du paysage. Selon Matisse, cette palette proviendrait à l’origine d’une contrainte financière : « Marquet n’avait pas de quoi s’acheter des couleurs, surtout des cadmiums qui étaient d’un prix élevé. Aussi peignait-il gris, et peut-être cette condition de la vie matérielle favorisa-t-elle sa manière». Un discret bateau sortant du port et voguant sur une mer aux nombreux reflets anime seul cette composition d’une grande plénitude. Entre impressionnisme et fauvisme, Marquet a su créer son propre style, qui n’est pas sans évoquer non plus les peintures japonaises avec la forte présence du trait noir du dessin, une grande précision dans la composition et des vues en perspective, l’artiste se plaçant en hauteur par rapport au paysage choisi. Albert Marquet se rend dès 1903 en Normandie pendant les vacances, bien souvent chez des amis. Dès son premier été, à l’âge de 28 ans, il découvre en compagnie d’Henri Manguin toute la côte, de Falaise à Flamanville. Il revient en 1906 dans la région, mais cette fois-ci au Havre aux côtés de Raoul Dufy ; durant ce séjour, il peindra ses célèbres vues de la fête nationale et des balcons de la ville, dans une manière encore totalement acquise au fauvisme. Il découvre également cette année-là Honfleur, ville incontournable pour tous les peintres paysagistes, qui a accueilli Eugène Boudin, Johan Barthold Jongkind et Claude Monet. Après des excursions dans le Sud ou à Londres, il choisira de retrouver Honfleur en 1911, à partir du mois d’avril pour une saison qu’il apprécie en Normandie, l’aimant non pas baignée du soleil de l’été mais avec ses ciels chargés, et même parfois son charmant temps gris.