Le mobilier de l’ancienne chartreuse de Bourgfontaine
Une centaine d’œuvres quittent leur belle demeure posée sur un écrin de verdure. Cette résidence privée proche de Villers-Cotterêts livre un contenu classique, à l’image de la vente.

Estimation : 60 000/80 000 €
La pièce la plus spectaculaire et la plus attendue - est cette tapisserie tissée au début XVIIIe siècle à la manufacture royale de Beauvais, Le Phare (voir photo ci-dessus) : des arbres, des oiseaux exotiques, des crustacés, des poissons, une ville fortifiée et des bateaux animent ce tableau de laine et de soie, autrefois conservé au château de Merlemont, en Picardie. Elle faisait partie de la tenture des Ports de mer, comprenant six pièces, réalisée en 1695 d’après les cartons de Joseph Van Kerchove et d’Adrien Campion pour un mécène suédois, le comte Piper. Reprise de nombreuses fois dans les décennies suivantes, notamment entre 1722 et 1733 par le nouveau directeur de la manufacture Noël-Antoine Mérou, elle prolonge le genre du paysage côtier peuplé de coquillages, oiseaux et poissons, tout en le renouvelant. Cette composition, dont un exemple est conservé au château de Björnstorp en Suède, côtoie deux autres tapisseries des Flandres de la fin du XVIIe, à sujets mythologiques (2 500 à 3 000 € chacune), et des peintures, dont une Nature morte de chasse avec un chien de l’école française, de l’entourage de Bernaerts Nicasius (1620-1678, 3 000/4 000 €), et une autre de fruits due à l’entourage d’Abraham Bruegel (6 000/8 000 €, voir photo page de droite). Suivent quelques dessins dont un amusant ensemble de trente-six feuilles de l’école française du XIXe siècle réunissant divers sujets (400/600 €) , quelques cartels et pendules et bien sûr du mobilier, d’époque et de style. Une grande table, à cartes de bibliothèque, en acajou moucheté créée vers 1800 dans le goût Louis XVI nécessitera 5 000/8 000 €, tandis qu’une table à gibier en chêne sculpté d’une tête d’indienne, de lambrequins et coquilles est estimée autour de 4 000 €. Mais il faudra pousser jusqu’à 20 000/25 000 € pour repartir avec un mobilier de salon du début de l’époque Louis XV,à haut dossier (voir photo ci-dessous). Fort abordables, une suite de cinq gravures coloriées représentant le château de Chantilly (1 500/2 000 €), de l’école française XIXe, et un portrait (800/1 000 €) par F. Bressin d’Étienne Balsan, gentleman-rider officier de cavalerie, éleveur de chevaux, protecteur et ami de Coco Chanel témoignent du lien de cette ancienne abbaye avec la plus noble conquête de l’homme…

Estimation : 12 000/18 000 €
Terre de champions
Maison de chartreux fondée entre 1323 et 1325 par Charles de Valois, l’abbaye de Bourgfontaine devient l’une des plus rayonnantes du nord de la France, mais aussi celle où le roi Philippe VI, son fils, choisit de faire enterrer son cœur, en 1355. Au XVe siècle, elle accueille vingt-trois moines et quatre-vingt-trois frères convers. Survivant à la Révolution, elle est restaurée une première fois par Henri de Roberval entre 1905 et 1935. Le domaine est redécouvert en 1962 par l’entraîneur de chevaux de course François Mathet (1908-1983), qui en fait une résidence et, surtout, un havre de paix pour y élever ses pur-sang. L’homme préfère cette clairière vallonnée et la proximité des herbages de Chantilly aux prairies normandes… Il crée des paddocks, des boxes de poulinage, réaménage l’ancien moulin XVIIe et l’habitation principale. Surnommé «le prince des entraîneurs, l’entraîneur des princes» (de l’Aga Khan notamment), François Mathet fut aussi un éleveur à succès. À sa mort, il transmet à ses fils sa passion pour les chevaux. Ce grand vaisseau de pierre est aujourd’hui en vente. Née et élevée sur les terres de Bourgfontaine, la pouliche Laurens remportait le 17 juin 2018 le prix de Diane, à Chantilly. Une belle façon de passer le flambeau…

Estimation : 6 000/8 000 €
De divers amateurs
Que le meilleur gagne également parmi les bronzes du XIXe siècle, avec lesquels on poursuit : Pierre-Jules Mène avec Vainqueur (4 000/5 000 €), Isidore Bonheur avec Le Grand Jockey (7 000/10 000 €) et Léon Bureau avec Monarque (2 000/3 000 €) devraient faire la course en tête. Après les ténors du bronze animalier, celui du portrait : Nicolas de Largillière. Le spécialiste de l’artiste, Dominique Brême, soulignait qu’il «atteignit sa pleine maturité dans les années 1710 à 1725». Comptez 30 000/40 000 € pour ce séduisant Portrait présumé de Jean André Soubry (1703-1774), trésorier de France à Lyon, fils de Jacques Soubry, échevin à Lyon en 1737, un tableau exécuté vers 1729 (voir photo page de gauche). Deux objets enfin devraient susciter la convoitise : une grande figure de Vénus sortant du bain (12 000/18 000 €, voir photo page 50) inspirée de celle du sculpteur maniériste Jean de Bologne (1529-1608), aujourd’hui conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne, et un groupe en bronze à patine brune représentant un Lion attaquant un taureau (15 000/20 000 €), fondu à Florence au XVIIe siècle, peut-être dans l’entourage d’Antonio Susini ou de son neveu Gianfrancesco. Ce sujet sculpté depuis l’Antiquité, notamment à Persépolis, connut un grand succès et sa reprise par Jean de Bologne fut éditée à de nombreux exemplaires aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Estimation : 30 000/40 000 €

Estimation : 20 000/25 000 € (l’ensemble)