André Lhote : une mêlée de formes et de couleurs
En plein essor au début du XXe siècle, le sport devient le sujet idéal des avant-gardes picturales. Le cubiste André Lhote donna quant à lui sa préférence à l’ovalie !

Estimation : 40 000/60 000 €
Le titre peut paraître trompeur, mais c’est effectivement de rugby dont il s’agit dans cette toile peinte en 1916 par André Lhote. Le ballon est bel et bien ovale et les corps des joueurs s’enchevêtrent comme c’est souvent le cas dans ce sport et beaucoup moins dans le football. Par ailleurs, si le titre au dos du tableau indique Footballeurs, l’on sait qu’au début du XXe siècle, le rugby, qui se diffuse peu à peu en France, est encore nommé « football à main » ou « football-rugby ». Enfin, les maillots des joueurs sont très bigarrés, car à cette époque les membres d’une même équipe ne portaient pas tous le même, d’où parfois leurs surnoms d’« Arlequins ». Venu de Grande-Bretagne, le rugby est né comme bien d’autres sports à l’époque victorienne. Il apparaît en France à la fin du XIXe siècle, tout d’abord importé par des résidents anglais, puis, dans la région parisienne, dans le milieu scolaire. Via les ports de commerce et les universités, cette pratique sportive s’étend en premier lieu dans la région Aquitaine, et jusqu’à Toulouse. C’est ainsi que le peintre bordelais André Lhote, âgé alors de 27 ans, commence en 1912 une série sur l’ovalie. Il vient tout juste d’intégrer officiellement le groupe cubiste, mais n’adoptera jamais entièrement les dogmes de ce mouvement. Ses compositions conserveront en effet une réelle lisibilité et une thématique figurative. Mais comme ses acolytes, il choisit volontiers des sujets novateurs. Et quel meilleur symbole de la modernité en 1912 que le rugby ? Il permet de peindre les joueurs sous des formes géométriques colorées s’imbriquant – carrés et lignes s’opposant à l’ovale du ballon ou aux rondeurs fessières –, et de fusionner les différents plans tout en inspirant du mouvement à l’ensemble. On sait que Lhote travaillait d’après des photos achetées à l’AFP, à partir desquelles il créait différents calques servant d’études pour sa peinture. Donné à la famille des propriétaires actuels par le peintre Arthur Fages (1902-1984), ce tableau est également visible dans une photographie d’époque, retrouvée par Dominique Berman-Martin dans les archives d’André Lhote : on y voit aussi la libraire, écrivaine et organisatrice de soirées et rencontres littéraires, Adrienne Monnier.