Les riches heures de Rupert Carabin
C’est au tour de cette étonnante pendule du sculpteur alsacien, L’Envolée des heures, d’être présentée dans le cadre du concept «une œuvre, une vente».

Estimation : 150 000/200 000 €
So unique, tel est le cas aussi de cette pièce, commandée directement auprès de l’artiste, exécutée en 1910, et présentée l’année suivante à l’exposition de la Société nationale des beaux-arts, du 16 avril au 30 juin, et décrite au catalogue comme «pendule exécutée pour garnir le dessus d’une cheminée d’un salon blanc et or». En l’occurrence celui de l’appartement parisien d’un certain M. de Biéville. Conservée jusqu’au début des années 1990 dans la famille de celui-ci, notre pendule passe à plusieurs reprises sous le feu des enchères. Objet utilitaire bien sûr, cette Envolée des heures est avant tout une œuvre décorative et surtout symbolique, ses jeunes femmes, agrippées les unes aux autres tentant de retenir le temps qui passe. Trois d’entre elles s’élèvent, la quatrième lovée sous le bloc d’améthyste lutte encore, les deux dernières, agenouillées, bras tendus, espèrent encore les retenir. La première se masque le visage pour ne pas voir le vide sidéral, ou plutôt le mouvement perpétuel, qui l’attend, tandis qu’un être grimaçant lui mord le mollet, une autre brandit un svastika, symbole ancien représentant le mouvement du soleil au fil de la journée, et donc l’éternité. L’améthyste – pierre dont la belle couleur violette lui viendrait du vin renversé par Dionysos sur une nymphe dont il était épris et changée en cristal –, censée préserver de la folie, semble bien impuissante face à cette farandole tragique. Persuadé qu’il y a autant d’art dans un objet usuel que dans une sculpture, Rupert Carabin commence par tailler des camées, avant de se former au dessin. À 16 ans, il modèle des masques mortuaires dans un atelier du faubourg Saint-Antoine, puis entre comme publicitaire chez Dunlop, mais il est fasciné par le monde du théâtre, de la danse, des cabarets. Il s’essaie ensuite aux bijoux, aux médailles, à la céramique, puis au mobilier, généreusement sculpté. Une œuvre dans laquelle la femme, omniprésente, est montrée nue, soumise et dans des positions compliquées…