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Lot n° 18

 ROBESPIERRE (Maximilien de). Lettre autographe...

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 ROBESPIERRE (Maximilien de). Lettre autographe signée « Robespierre » À GEORGES-JACQUES DANTON. Paris, 15 février [1793]. 3/4 p. in-folio. RARISSIME RÉUNION DES DEUX HOMMES QUI ONT « REÇU LE POUVOIR D'INCARNER LA RÉVOLUTION » (Mona Ozouf). « Mon cher Danton, si, dans les seuls malheurs qui puissent ébranler UNE ÂME TELLE QUE LA TIENNE, la certitude d’avoir UN AMI TENDRE ET DÉVOUÉ peut t’offrir quelque consolation, je te la présente. Je t’aime plus que jamais et jusqu’à la mort. Dans ce moment je suis toi-même. Ne fermes point ton cœur aux accens de l’amitié qui ressent toute ta peine. Pleurons ensemble nos amis ; et FESONS BIENTÔT RESSENTIR LES EFFETS DE NOTRE DOULEUR PROFOND[E] AUX TIRANS qui sont les auteurs de nos malheurs publics et de nos malheurs privés. Mon ami, je t’avois adressé ce langage de mon cœur, dans la Belgique [Danton y effectuait alors une mission avec d'autres conventionnels]. J’aurois déjà été te voir, si je n’avois respecté les premiers momens de ta juste affliction. Embrasses ton ami... » Robespierre fait encore ici usage du calendrier traditionnel, dans lequel 1793 est bien « l'an 2 de la République », fondée en septembre de l'année précédente. À DANTON EN DEUIL DE SON ÉPOUSE. Le tribun était extraordinairement attaché à sa femme Gabrielle, et reçut un coup terrible quand, en mission hors de Paris pour la Convention, il apprit qu'elle était morte en couches en son absence (10 février 1793) : il rentra précipitamment, et la fit la déterrer pour faire mouler son visage par le sculpteur Deseine, afin d'en conserver les traits à jamais. EXTRAORDINAIRE DÉCLARATION D'AMITIÉ AU MOMENT OÙ DÉBUTAIT LEUR RIVALITÉ ET OÙ S'ÉLARGISSAIENT LEURS DÉSACCORDS, notamment au sujet de la guerre et à celui des factions. Après de nombreuses péripéties, Robespierre et ses affidés mettraient Danton en accusation et le feraient guillotiner le 5 avril 1794. « Se sont-ils jamais aimés ? Ils étaient trop différents pour cela. Robespierre n'a pas de corps, Danton n'a cessé de s'en servir : de sa corpulence, de sa laideur, de ses excès [...]. D'un côté l'ascèse, de l'autre l'instinct. L'un a été le théoricien de la Révolution, l'autre son homme de main et son enchanteur [...]. Danton sera le premier des deux à monter au supplice par la vengeance de Robespierre. Et, fatalement, ce dernier le suivra trois mois plus tard par le remords de Danton. Qu'on ne s'y trompe pas, ces deux-là se battent aussi pour le pouvoir » (Emmanuel de Waresquiel, dans sa préface à l'ouvrage de Loris Chavanette, Danton et Robespierre, Paris, Passés composés, 2021). La seule lettre de Robespierre à Danton qui ait été conservée Aucune trace épistolaire ne subsiste entre les deux hommes, à l'exception de la présente lettre et d'une lettre de Danton adressée à Robespierre le 14 août 1792 pour l'inviter à participer aux réunions du conseil de Justice qu'il avait constitué. Cette lettre a figuré dans l'exposition La Révolution française tenue à la Bibliothèque nationale de janvier à mars 1928. Provenance : anciennes collections Alfred MORRISON (1891, vol. V, p. 282, n° 2) ; Arthur MEYER (Paris, Drouot, Francisque Lefrançois et Noël Charavay experts, 3-6 juin 1924, n° 129/autographes-3°, avec reproduction p. 43) ; Christian Lazard. Maximilien et Augustin de Robespierre, Correspondance (Œuvres complètes, vol. III, sous l'égide de la Société des études robespierristes), Paris, F. Alcan, 1926, p. 160. – Cette lettre est citée dans toutes les biographies et de Danton et de Robespierre, et figure par ailleurs dans Le Cahier rouge des plus belles lettres de la langue française (Paris, Grasset, 2017).

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