Gazette Drouot logo print
Lot n° 13

BLOY Léon (1846-1917).

Estimation :
Réservé aux abonnés

MANUSCRIT autographe, La Méduse -Astruc, août-septembre 1875 ; avec d'importantes annotations autographes de BARBEY D'AUREVILLY en marge ; 12 pages in-8 (21 x 13,5 cm). Précieux manuscrit de la première œuvre de Léon Bloy, abondamment annoté et commenté par Barbey d'Aurevilly. [Admirateur de Barbey d'Aurevilly, Bloy lui demanda dès 1867 à le rencontrer pour pouvoir le « contempler ». Barbey d'Aurevilly devina chez lui des dons et accepta de devenir son mentor, le conseillant dans ses lectures, sur son style, et lui instillant sa propre intransigeance de caractère. De son côté, Bloy lui servit un temps de secrétaire et s'employa à constituer autour de lui un groupe de fidèles. Malgré quelques brouilles, Bloy resta fidèle à Barbey d'Aurevilly et assista à ses derniers instants. C'est le buste de Barbey d'Aurevilly par le sculpteur Zacharie ASTRUC (1833-1907) qui inspira à Léon Bloy cette « sorte de poème fou », sa première tentative littéraire. Ce poème en prose est tout vibrant de l'admiration de Bloy pour le Connétable des Lettres. Bloy a réalisé une copie calligraphiée de son texte et des commentaires de Barbey d'Aurevilly, qu'il édita en une rarissime plaquette polygraphiée tirée à une douzaine d'exemplaires.] Le manuscrit de Léon Bloy est soigneusement mis au net à l'encre noire, avec quelques corrections marginales au crayon vert ; paginé au crayon bleu de [1] à 12, il est divisé en quinze parties (I-XV), et daté en fin « Août-Septembre 1875 ». Bloy a prévu une marge sur la gauche pour les « Observations de M. d'Aurevilly ». BARBEY D'AUREVILLY a porté en marge, à l'encre rouge, une quinzaine d'annotations ou commentaires, et 34 flèches signalant des passages remarquables ; il a également souligné dans le texte des mots ou des phrases, et proposé parfois des corrections. Bloy dit son admiration pour ce « buste méduséen » et pour « l'homme plus étonnant encore dont il est l'image. [...] Oh ! combien fière, imposante et redoutable, dans sa tranquille toute-puissance, nous apparaît cette étonnante physionomie ! [...] C'est le chevalier de Dieu, dans un monde sans Dieu et sans chevalerie, dans un monde expirant de vieillesse, au milieu de la foule des mondes moqueurs, harmonieusement balancés dans les espaces du ciel. C'est ce magicien de l'orthodoxie doctrinale et littéraire dont les philtres bienfaisants restituent la vie aux cœurs des poëtes découragés et rajeunissent les impressions intellectuelles du passé dans tous les esprits organisés pour vibrer à la grandeur. C'est le poëte et le critique à l'emporte-pièce et l'inépuisable sagittaire du trait vengeur. Catholique au milieu des incroyants, monarchiste après les monarchies, ligueur sans ligue, gentilhomme sans roi et roi lui-même sans gentilshommes et sans popularité, demeuré fidèle à des sublimités qui ne triomphaient pas, - c'est le porte-étendard et le porte-foudre de la Vérité et de la Beauté quand même. Destinée de héros et prédestination du Génie ! Double grandeur suprême, si la grandeur pouvait aujourd'hui compter pour quelque chose et si l'héroïsme et le génie pouvaient souffleter moins cruellement la délicieuse, la fière, l'enivrante égalité des temps modernes ! Certes ! je la connaissais bien cette grande figure audacieuse ! J'avais assez vécu, rêvé, souffert, pleuré devant elle ! Cet éducateur de mon intelligence avait assez passé sur ma destinée, à travers mon cœur, pour que, - venant un jour à tomber et à disparaître derrière l'horizon de ma vie, - je ne l'oubliasse plus jamais ! [...] Mais il fallait la Méduse-Astruc avec le tonnerre et le tressaillement surhumain de sa beauté, il fallait cette poussée du génie pour déchirer le bandeau de l'habitude et me contraindre à regarder, pour la première fois, - dans la lumière transfiguratrice de ce chef-d'œuvre, - sa face d'immortalité ! »... Etc. Les observations de BARBEY D'AUREVILLY sont remarquables : « C'est là un style que Buffon aurait appelé pour la manière dont il se meut et marche : des articulations de Lion. C'est membré & puissant de démarche. Chargé, oui, mais pas lourd. » (p. 1). « Tout cela est très grand, d'un beau tour poétique, - et byronien. Vous savez ce que cela est pour moi. - Ma parole, je trouve cela beau comme s'il ne s'agissait pas de moi [cette phrase a été omise dans la plaquette autographiée]. - Ce n'est pas ce que je suis, - mais c'est ce que je voudrais être. Gentilhomme sans roi, par exemple c'est ce que je suis. » (p. 3). « Le style, c'est la tournure, donnée par l'organisation. » (p. 4). « On sent le souffle lyrique qui vraiment est partout, et qui ne ballonne pas les joues pour souffler ! » (p. 8).... Etc. Et à la fin (p. 12) : « Grand avenir d'écrivain.... brassez, brassez, brassez !!! puisque vous avez ce biceps. »

Titre de la vente
Date de la vente
Localisation
Opérateur de vente