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Lot n° 110

Maître de l'Énéide, Limoges, vers 1525-1530

Estimation :
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Les Bocages fortunés Plaque en émail peint polychrome sur cuivre avec rehauts d'or. H. : 22.5cm ; L. : 19.8cm. Petits accidents et restaurations en bordure, petit réseau de craquelures fines et stables dans la composition, usures à l'or. Dans un cadre en veau doré aux petits fers ouvrant à deux volets, crochets et charnières en fer doré (manque à l'un), l'intérieur en velours rouge cramoisi, travail français de la première moitié du XVIIe siècle. H. : 33cm, L. : 28cm (petits accidents, manques et restaurations). Notre plaque appartient à un corpus d'œuvres sur émail réalisé au début du XVIe siècle illustrant le roman de l'Eneide de Virgile (70 avant J.C- 19 avant J.C). Les aventures du troyen Enée y sont relatées depuis la prise de Troie jusqu'à son installation dans le Latium. A l'instar de l'Iliade et de l'Odysée, l'Eneide est un classique du registre de l'Epopée et le récit de ce voyage initiatique a su trouver un écho favorable dans la création artistique de la Renaissance. Si d'autres émaux se sont inspirés de ce roman antique, la suite qui nous intéresse présente une technique singulière, dans des dimensions quasi identiques, et puise son inspiration dans le même ensemble de gravures, sorti des presses de Grüninger de Strasbourg pour illustrer le Virgile publié par Sébastien Brandt en 1502. L'ambitieuse entreprise de reproduire fidèlement un ensemble iconographique aussi conséquent est tout à fait exceptionnel dans l'histoire de l'émaillerie limougeaude. Il s'agit en outre des premiers sujets profanes traités avec cette technique. En l'état actuel des connaissances, il n'existe pas de plaque illustrant d'épisode au-delà du Livre IX du roman, alors même qu'il en comporte XIII. Il est fort probable que le temps aura manqué à notre émailleur pour achever son œuvre. Les quatre-vingt-deux plaques recensées à ce jour présentent toutes des similitudes d'exécution, comme l'utilisation du fondant sur la face de la plaque, l'abondance des rehauts d'or pour souligner les rinceaux des vêtements, les chevelures ainsi que les nuages, ou encore ces traits ondulants pour figurer les flots. Les carnations sont traduites dans des tons rose pâle, et les visages marqués par des traits fins. L'identité de notre émailleur demeure néanmoins mystérieuse, tout comme le commanditaire de cet important ensemble. Cette entreprise a pu être réalisée pour orner le studiolo d'un grand amateur, un humaniste de son temps, car si ces émaux s'inspirent de gravures sur bois au caractère gothique encore fortement marqué, le traitement plus souple et maniériste confère à l'ensemble une sensibilité nouvelle. Les Bocages fortunés La scène représentée sur notre plaque reprend un passage du Livre VI, consacré au récit de la descente aux Enfers d'Enée. Avant de rencontrer son père Anchise, il traverse le Champ des Pleurs et part en quête du rameau d'or qui lui donnera l'accès aux Champs Elysée, comme le relate fidèlement la traduction du récit illustré dans notre émail : Une fois devant l'entrée, Énée se purifie avec de l'eau fraîche et dépose le rameau d'or sur le seuil. L'offrande accomplie, ils pénètrent dans les Champs Élysées. C'étaient de frais bocages, des bois délicieux, de fortunées demeures. Là un air plus pur est répandu sur les campagnes, et les revêt d'une lumière de pourpre : ces beaux lieux ont aussi leur soleil et leurs astres. Parmi ces ombres bienheureuses, les unes sur le vert gazon s'exercent en se jouant à des luttes innocentes, et combattent sur la molle arène : les autres formant des chœurs frappent la terre en cadence, et chantent des vers. Le prêtre de la Thrace, revêtu d'une longue robe, fait résonner sur des tons divers les sept cordes de sa lyre, y promenant tantôt ses doigts légers, tantôt un archet d'ivoire. [...]. Énée est étonné de voir autour d'eux des armes, et des chars vides : les lances sont là fixées en terre, et les coursiers paissent errants et libres dans les prairies ; la noble passion des chars et des armes et des coursiers brillants, qu'avaient ces guerriers pendant leur vie, les charme encore dans les demeures souterraines de la mort. Énée, portant ses regards à droite et à gauche, vit d'autres ombres qui goûtaient sur l'herbe la douceur des festins, et qui chantaient en chœur l'hymne joyeux d'Apollon. Elles étaient couchées au milieu d'un bois odoriférant de lauriers, où vient tomber, en roulant ses eaux abondantes, un divin Éridan. Là étaient ceux qui ont reçu des blessures en combattant pour leur patrie ; les prêtres qui furent chastes tant qu'ils vécurent ; les poëtes pieux, qui ont chanté des vers dignes d'Apollon ; ceux qui ont embelli la vie en inventant les arts ; ceux qui par leurs bienfaits ont mérité de vivre dans la mémoire des hommes. Tous ont les tempes ceintes d'une bandelette blanche comme la neige L'artiste émailleur reprend fidèlement la composition de la gravure de Grüninger, avec toutefois un trait beaucoup plus souple e

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