De l’estampe japonaise, on connaît surtout les ukiyo-e, ces « images d’un monde flottant » rendues célèbres par Hiroshige et Hokusai. Beaucoup moins les surimono. La présentation récente à l’hôtel de Caumont-Centre d’art d’Aix-en-Provence d’une partie de la collection Georges Leskowicz (voir Gazette n° 2) a permis de les remettre en lumière. Le présent ouvrage, réalisé à partir des 165 surimono – littéralement « chose imprimée » – de cet ensemble unique en Europe, invite à aller plus loin et à pénétrer intimement leur univers. Si les premières relèvent d’un art populaire, les secondes sont des estampes rares et raffinées destinées à des cercles restreints et privés d’initiés, tirées en tout petit nombre et réalisées sur un papier de luxe, à l’aide de techniques d’impression précieuses et l’emploi de pigments métalliques comme la poudre d’or. Apparues à la fin du XVIIIe siècle, durant l’ère Edo (1603-1868), leur production se poursuit jusqu’en 1840. Amateur d’estampes, Edmond de Goncourt affirmera que rien ne leur est « similaire dans la gravure d’aucun peuple de la terre ». Cette première publication en langue française consacrée au sujet rend hommage à ce support délicat. Le papier, la qualité des impressions et la finesse du rendu ont été minutieusement étudiés et restitués. Mais aussi belles soient-elles, ces images ne vivent pas toutes seules : elles sont nées pour accompagner des poèmes en prose truffés de références littéraires et de mots d’esprit, ici traduits par Yumiko Takagi, chercheuse attachée à l’Université Daito Bunka de Tokyo. Qualité des images, finesse de l’impression et richesse de l’accompagnement textuel font de ces œuvres – reproduites dans leur format d’origine – de véritables trésors des arts du Japon. Elles invitent à un voyage dans une époque disparue, au temps finalement pas si lointain où découvrir le Japon était encore interdit aux étrangers.