Tout en restant fidèle à son souci d’exigence et de valorisation des savoir-faire haut de gamme, Paris Déco Off invite les créateurs et les éditeurs à réfléchir sur les démarches écoresponsables.
Alors qu’une trentaine de grosses entreprises du monde de la mode a fait son mea culpa en reconnaissant sa part de responsabilité dans la pollution de la planète le secteur se hisse au deuxième rang sur le podium des industries les plus polluantes, après le pétrole et s’est engagée à réduire son empreinte carbone en signant, le 23 août dernier, le Fashion Pact, le monde de la décoration affiche et revendique de plus en plus des démarches écoresponsables. C’est sous cette prise de conscience qu’est placée la onzième édition de Paris Déco Off. Ainsi pourra-t-on lire les propositions des cent dix-sept maisons de la sélection sous un nouvel angle. Cette approche ne manquera pas d’aiguiser l’attention des décorateurs et autres architectes d’intérieur qui constituent la cible principale du rendez-vous, et de tous ceux qui ont un rôle prescripteur en termes de décoration. Certaines maisons sont engagées dans cette voie depuis un moment, telle CMO qui promeut les matières végétales comme la jacinthe d’eau, le raphia, l’abaca ou le palmier, ou Pierre Frey, avec le choix du lin ou le maintien de l’atelier de tissage dans le nord de la France, non loin de Cambrai. Élitis privilégie également le lin, comme l’explique la styliste textile Marie Ducept : «Nous avons une longue tradition autour de la laine et du lin, des matières écologiques par excellence, dont le bilan carbone reste faible, contrairement au coton qui vient de l’autre bout du monde. Élitis ne travaille qu’avec les liniers offrant un circuit complet de production, de la plantation au tissage. Pour ce qui est des papiers peints et autres revêtements muraux, nous travaillons avec des encres conformes aux normes internationales, comme Reach, qui sécurise la fabrication et l’utilisation des substances chimiques, et Leed (Leadership in Energy and Environmental Design).» La maison Alexandre Turpault a quant à elle mis deux années pour finaliser une technique de lin rincé sans produits chimiques. En complément de l’exigence de l’origine de la production de la matière première, le recyclage constitue l’autre versant de la médaille, comme pour les jetés de lits matelassés en cachemire de C&C Milano. Mais Jab Anstoetz va encore plus loin avec la conception d’un tissu d’ameublement «surcyclable», comme le souligne Christophe Bringuier, directeur général de Jab France : «Climatex est une nouvelle génération de tissus brevetés, certifiés cradle to cradle (“du berceau au berceau”), label d’économie circulaire octroyé aux produits entièrement recyclables. Il présente d’excellentes propriétés de régulation thermique et d’humidité, ainsi qu’une solidité et une longévité extrêmes. Développé il y a quelques années en Suisse, il est maintenant fabriqué en Allemagne et peut être reconditionné sans gaspillage ni perte. Le recyclage, c’est bien. Le surcyclage, c’est encore mieux !» En parallèle, le développement de «l’outdoor» a imposé aux maisons de créer des textiles résistant à la lumière, aux intempéries et à la chaleur, et cela jusqu’à la passementerie, comme l’explique Benoît Cordonnier, directeur marketing de Houlès : «Nous avons fait des tests en laboratoire pour garantir des conditions d’utilisation qui peuvent être extrêmes pour le yachting, les pays du Sud ou du Moyen-Orient. Ce marché est devenu important, on veut soigner son décor et la frontière entre intérieur et extérieur s’estompe.»
Un rendez-vous international
«Paris Déco Off est devenu un événement majeur, marquant le début de l’année, et une marque mondialement connue qui a donc un impact international», juge Benoît Cordonnier qui soutient la manifestation depuis le commencement. Rampe de lancement pour présenter les collections printemps/été, le rendez-vous est également très prisé par son format ; les clients sont accueillis directement dans les showrooms, ce qui permet d’accéder aux archives de maisons, qui sont pour certaines historiques, comme Alexandre Turpault, qui fête ses 170 ans, ou Tassinari et Chatel qui a franchi les trois cents ans ! Un atout qui fait dire aux organisateurs Carole Locatelli et Hughes Charuit que Paris Déco Off n’est pas un salon, mais un événement festif original qui relie la Rive droite (avec pour épicentre la rue du Mail) et la Rive gauche (autour des rues de Seine, de l’Échaudé, Furstemberg, entre autres). L’inquiétude plane cependant pour cette édition en raison des grèves, installant un climat plus tendu que celui des manifestations des «gilets jaunes» l’an passé. Celles-ci n’avaient pas eu d’impact sur la fréquentation, qui avait même augmenté, passant de 38 000 à 42 000 visiteurs. «Les navettes avaient transporté 13 000 personnes, mais les autres visiteurs avaient pu circuler en transports en commun ou en taxi. Si les grèves se poursuivent, notre fréquentation risque de chuter» avouent les organisateurs, qui restent néanmoins confiants et fiers d’avoir donné de l’ampleur à l’événement, en créant une nouvelle section Paris Déco Home (voir interview page de droite) et en multipliant les animations, avec la bulle transparente mise en scène par le designer urbaniste Olivier Saguez (un décor hybride mêlant objets issus de Paris Déco Off et Paris Déco Home), un clin d’œil aux stations de sports d’hiver, en détournant les œufs pour accéder aux pistes de ski (sur la place de Furstemberg et sur la terrasse de l’hôtel Montalembert), ou le concours des étudiants des écoles d’art et de design. «La chambre Indoor/Outdoor de demain» donnera l’occasion de se frotter à leur vision écoresponsable de la chambre de demain… Pour une décoration du futur.