Lorsque la mode se hisse sur scène, la force de l’imaginaire se joue des contraintes et souvent s’en libère. Tel est le propos que sous-tendent quelque cent trente modèles réunis au CNCS, créés pour la danse par les plus grands couturiers, de 1911 à nos jours. S’ils soulignent la connivence artistique entre créateurs et chorégraphes ou la savante alchimie d’un textile et d’une silhouette dans l’écriture d’un mouvement, ils composent aussi au fil de treize salles un défilé surréel d’instants suspendus d’une créativité sans limite. Pour les Ballets russes, Gabrielle Chanel décline les jerseys qui signeront sa gloire dans un Train bleu emmené par Diaghilev. Issey Miyake invente pour les ballerinas et movers du Ballet de Francfort de William Forsythe son célèbre plissé Pleats Please. Hervé Léger, créateur de la robe à bandes, se hasarde avec brio dans les fastes d’une robe de bal revisitée pour Roland Petit dans Rythme de valses. Mais si les styles s’apprivoisent, chacun, de Béjart à Versace, reste lui-même, servi par une spectaculaire scénographie de l’architecte Marco Mencacci où lumière et reflets subliment textures et transparences. Et si le grand absent de cette exposition reste le mouvement, son idée induite par la posture des mannequins et d’habiles jeux de miroirs – les volutes de matières jouant avec l’espace du sol au plafond – livrent une sensation d’élan, parfois de tourbillon. Formes, matières, éclats dansent ici sur une même partition, pour nous convaincre qu’habiller, c’est habiter.