Annulée en décembre 2015, à la suite des attentats, la foire d’art contemporain africain ouvre sa première édition à Paris. Une nouvelle étape dans la reconnaissance du continent.
L’exposition «Magiciens de la terre», accueillie en 1989 au Centre Pompidou et à la Grande halle de la Villette, avait montré que la création ne se limitait pas à l’Occident, et attiré les regards vers l’Afrique. Dans son sillage, les événements se sont progressivement multipliés. «Africa Remix», présentée à Düsseldorf en 2004, avait surfé sur le succès, de Londres à Paris et de Tokyo à Stockholm. En 2015, alors que «Beauté Congo» enthousiasmait les visiteurs de la Fondation Cartier, la Biennale de Venise se distinguait en confiant son commissariat à l’Américano-Nigérian Okwui Enwezor et en couronnant par un Lion d’or la carrière du Ghanéen El Anatsui. Le marché, lui aussi, a suivi la tendance. En 2013, Londres lançait la première foire d’art contemporain, baptisée 1:54 (54, comme le nombre de pays composant le continent). Et voici AKAA Also Known as Africa qui s’installe à Paris.
Donner de la visibilité à ceux qui n’en ont pas
À l’initiative : Victoria Mann, 31 ans. La jeune Franco-Américaine a découvert l’art africain en préparant un Bachelor of Arts aux États-Unis, complété par un master à l’École du Louvre. «Je pensais ouvrir une galerie, explique-t-elle, mais en travaillant chez Pace, à Londres, j’ai compris que la création d’une plateforme d’échanges serait plus judicieuse.» Car en Afrique, les lignes bougent aussi. La Biennale de Dakar et les Rencontres de Bamako jouissent déjà d’une réputation établie. Dans trois pays à l’économie prospère, le marché émerge. Figure en tête de ce trio l’Afrique du Sud, qui dispose d’un réseau de galeries et inaugurera l’année prochaine le musée du collectionneur Jochen Zeitz. Suivent le Nigeria, dopé par ses ressources pétrolières et le festival de photos de Lagos, ainsi que le Maroc, bousculé par la foire de Marrakech et l’ouverture du musée de Rabat. Il n’empêche : seuls quelques artistes ont réussi à inscrire leur nom sur la scène internationale, tels Marlene Dumas, William Kentridge, Romuald Hazoumé, Chéri Samba ou Barthélémy Toguo… «AKAA souhaite donner de la visibilité à ceux qui n’en ont pas», clame Victoria Mann. Un jury d’experts a donc sélectionné trente galeries, dont la moitié sont originaires du continent africain Au total, seront exposés cent quinze plasticiens, vivant dans leur pays ou issus de la diaspora. Photo, peinture, sculpture… La diversité des expressions sera de mise : «Certains explorent les formes et les couleurs, d’autres développent des thématiques politiques ou sociales», commente la jeune femme. Programmées également, conférences et rencontres avec les artistes. «Je craignais que l’annulation de l’année dernière nous porte préjudice, ajoute Victoria Mann, mais la curiosité ne s’est pas émoussée.» Plusieurs institutions ont confirmé leur participation, représentées par des conservateurs ou des comités d’achats. Parmi elles, le MoMA de New York, la Tate de Londres, le Centre Pompidou ou l’Institut du monde arabe… De plus, en 2017, la capitale française affichera encore les couleurs de l’Afrique, qui aura les honneurs de la foire Art Paris et d’un festival à la Villette. La Fondation Louis Vuitton accueillera pour sa part la collection du très renommé Jean Pigozzi. Le mouvement, décidément, s’amplifie.