On connaît la fondation suisse pour sa spécialité, l’art aborigène australien. Mais quel rapport avec Yves Klein ? Cette exposition proposerait-elle un rapprochement tiré par les cheveux ? Eh bien justement non, et c’est une nouvelle approche de l’œuvre du Français que propose l’institution nichée dans le Valais. Cela part d’une réflexion à partir de documents rares : des dessins de l’artiste copiant des peintures des antipodes, dont celle d’une urne funéraire (dupun) publiée en 1958 dans Australian Aboriginal Decorative Art de Frederick D. McCarthy. Et l’on tire le fil en reliant cette révélation avec ce que l’on savait, c’est-à-dire son intérêt pour l’art d’avant l’écriture – rappelons que Lascaux ne fut découverte qu’en 1940. Dès 1947, Klein reproduit des empreintes de mains et de pieds sur une chemise, présentée dans l’exposition. Dans le projet d’un film qu’il ne réalisera jamais, l’esquisse du scénario de La Guerre – introduisant le parcours –, il place la préhistoire comme point de départ de la querelle entre la couleur et la ligne, et y mentionne d’ailleurs l’art pariétal des Worrorra de la région du Kimberley. Dans la première partie, les œuvres de Klein sont réparties thématiquement autour des quatre éléments, importants pour les Aborigènes, tout comme leur rapport spécifique au temps. Hier et demain sont pour eux contemporains du présent. Lui-même souhaitait le suspendre, ce qu’illustre sa Symphonie Monoton-Silence jouée lors de la cérémonie pour peindre ses «Anthropométries.» Une sélection illustre ensuite les mêmes thématiques chez des figures aborigènes historiques, telles Emily Kame Kngwarreye ou Mirdidingkingathi Juwarnda Sally Gabori, et des artistes d’aujourd’hui comme Danie Mellor ou Judy Watson. La fondation évite le piège de la mise en regard de l’un et des autres, seul l’esprit de chacun planant sur les deux niveaux sans se cannibaliser.