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Victoria Siddall «Le contenu avant tout»

Publié le , par Laura Archer et Pierre Naquin

FRIEZE, du haut de ses 14 ans d’existence, continue de dynamiter le circuit des foires européennes. Petit point sur les évolutions en cours avec sa directrice.

  Victoria Siddall «Le contenu avant tout»
 

À 26 ans, Victoria Siddall débarque chez Frieze en 2004, un an seulement après que la revue critique a donné naissance à la manifestation du même nom. À la fois fidèle et pleine d’ambition, elle lance en 2012 Frieze New York et Frieze Masters (Londres). Juste récompense, la jeune femme devient directrice des événements du groupe trois ans plus tard.
Comment avez-vous fait évoluer la foire depuis 2015 ?
Le plus important a été pour moi de continuer à développer ce qui fait la singularité de cette entité. Frieze, à l’origine, c’est un magazine. Nos événements prennent ainsi leurs racines dans l’éditorial, le contenu. La critique d’art jouera toujours un rôle majeur pour nous. C’est ainsi que nous avons été les premiers à commissionner directement des artistes. La «curation» est ainsi l’un des points forts de l’identité de nos événements. L’année dernière, j’ai inauguré, sur l’édition londonienne, une section intitulée «The Nineties», supervisée par Nicolas Trembley. Celle-ci présentait les œuvres clés, les moments importants et les performances décisives de cette décennie. Nous voulions quelque chose de frais, de nouveau. Nous souhaitons nous renouveler sans cesse. Apporter quelque chose de différent chaque année. Quelque chose qui fasse sens pour les commissaires d’exposition et ce qu’ils défendent, et qui résonne avec l’air du temps.

Et justement, quel temps fait-il à Londres en 2017 ?
Cette année, la curatrice américaine Alison Gingeras nous propose une présentation intitulée «Sex Work», qui montre des œuvres d’artistes féministes des années 1970 et 1980. Les musées à l’époque s’étaient détournés de ces travaux, les jugeant trop radicaux, trop subversifs, et bien souvent trop explicites. Nous offrons une plate-forme pour ces créations, avec l’espoir de susciter un intérêt commercial, au-delà d’une reconnaissance critique. Je suis également très attachée à l’impact que peut avoir Frieze pour les villes dans lesquelles elle s’installe. Permettre des rencontres entre les meilleures galeries et les plus grands collectionneurs, c’est bien. Mais arriver à faire venir tous les types de publics sur la foire, c’est essentiel.

 

Miquel Barceló (né en 1957), Gran Elefandret, 2008, Acquavella Galleries. © Frieze Sculpture 2017. Photo by Stephen White.Courtesy of Stephen White/Fr
Miquel Barceló (né en 1957), Gran Elefandret, 2008, Acquavella Galleries.
© Frieze Sculpture 2017. Photo by Stephen White.
Courtesy of Stephen White/Frieze.

À quel point êtes-vous impliquée dans la sélection et la programmation ?
Nous avons la chance de travailler avec un nombre important de curateurs de très haut niveau. Je pense que c’est une de nos grandes forces et c’est ce qui, au final, rend notre programmation haut de gamme et crédible. Sir Norman Rosenthal, Tim Marlow, directeur artistique de la Royal Academy, et Toby Kamps, directeur du Blaffer Museum, opèrent sur Frieze Masters. Pour Frieze Londres, nous faisons appel à Ralph Rugoff (Hayward Gallery), Alison Gingeras, Ruba Katrib (Sculpture Center à New York), Fabian Schöneich (Porticus), Clare Lilly (Yorkshire Sculpture Park), ou encore Raphael Gygax (musée Migros). Quant à la sélection, je m’assure que les meilleures galeries du monde entier postulent. Après, ce sont les comités de chaque foire qui, dans les faits, prennent les décisions. Mais pour pouvoir les sélectionner, il faut être sûr qu’elles s’inscrivent. Et ça, c’est mon boulot !

Quels effets pourraient avoir sur le salon le vote pour le Brexit de l’année dernière ?
Pour juger d’une foire avant son ouverture, on peut se fier à la liste de ses exposants. Si je regarde celle de 2017, je pense que l’on peut être très optimiste. Nous avons un panel très varié de galeries : de la plus importante à la plus émergente ; de Londres, New York, Paris ou Berlin jusqu’au Caire, Bogota, Le Cap ou Lima. Cela montre une vraie confiance, non seulement en Frieze, mais aussi dans la ville de Londres, qui reste incontournable pour le business des galeries. On peut également souligner que les marchands continentaux importants continuent d’y installer de nouveaux espaces, tels König ou Ropac. Cela indique bien qu’elle reste la capitale du marché de l’art en Europe.

 

Galerie Nagel Draxler, dand la section The Nineties, Frieze 2016.
Galerie Nagel Draxler, dand la section The Nineties, Frieze 2016.

Quel est le premier marché de la foire ?
Les États-Unis restent très importants pour le marché de l’art international et nous déployons beaucoup d’efforts pour être sûrs que nos amis américains soient à Londres pour nos événements. Nous invitons par exemple des groupes de conservateurs et de mécènes. Le public chinois continue également de croître. Nous avons un représentant à Pékin, qui fait venir un grand nombre de collectionneurs. De manière plus générale, le marché ne cesse d’évoluer. Nous avons des consultants à São Paulo, Mexico, Dubaï, partout aux États-Unis et en Europe, qui s’assurent que nous ayons des visiteurs du monde entier. Il n’y a plus beaucoup d’endroits sur la planète qui ne comptent pas de collectionneurs importants…
Vous faites beaucoup d’efforts pour promouvoir jeunes artistes et galeries…
En effet. Notamment à travers notre section Focus, sur Frieze Londres. Les stands y sont fortement subventionnés (jusqu’à 50 % en fonction du projet et de l’ancienneté de la galerie). Il est très important pour nous d’encourager les meilleures jeunes pousses à participer, de leur donner accès à une foire internationale sérieuse et d’offrir à leurs artistes une plate-forme de présentation. Et l’ascenseur fonctionne ! Cette année, quatre galeries passent de Focus à la section principale : Clearing (New York et Bruxelles), Simon Preston (New York), Fonti (Naples) et Société (Berlin). C’est très exaltant car nous étions là au début, et c’est exactement ce que nous recherchons.

 

Ugo Rondinone (né en 1964), Summer Moon, 2011, Sadie Coles HQ. Frieze Sculpture 2017 à Regent’s Park, Londres. © PHOTO STEPHEN WHITE. COURTESY OF STEP
Ugo Rondinone (né en 1964), Summer Moon, 2011, Sadie Coles HQ. Frieze Sculpture 2017 à Regent’s Park, Londres.
© PHOTO STEPHEN WHITE. COURTESY OF STEPHEN WHITE/FRIEZE

Qu’envisagez-vous pour la suite ?
Nous continuons de scruter tous les recoins de la planète à la recherche d’opportunités intéressantes. Frieze Academy a tout juste un an, mais nous sommes excités à l’idée d’exporter le concept. Ne ratez d’ailleurs pas le cycle de conférences sur l’art et l’architecture qui a lieu pendant la tenue de Frieze Londres cette année. Nous y accueillerons des orateurs exceptionnels : David Adjaye, David Chipperfield, Amanda Levete ou Thomas Heatherwick. C’est quelque chose que nous verrions bien grandir et se développer, aussi bien au Royaume-Uni qu’à l’étranger. Encore une fois, nos racines sont dans le contenu. Nous allons développer toutes ces initiatives, tout comme notre existence en ligne. Pour nous, il s’agit d’accroître notre présence à l’international et de sensibiliser de nouveaux publics sur nos activités par tous les moyens qui sont à notre portée.
Après ces nombreuses années, qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus dans votre collaboration avec Frieze ?
Sans aucun doute sa très grande diversité. Un après-midi, vous pouvez vous retrouver sur Frieze Master à contempler le chef-d’œuvre d’un maître hollandais du XVIe siècle et le jour d’après être interloqué par le travail de très jeunes artistes d’Amérique latine ou d’Égypte sur Frieze Focus. C’est toute la variété d’émotions et de ressentis que vous pouvez avoir sur un laps de temps très court qui fait, selon moi, toute la saveur de Frieze. D’autant que nos exposants viennent avec des propositions très ambitieuses. House & Wirth a créé un musée fictionnel en présentant des bronzes anciens des musées locaux aux côtés de ceux de Louise Bourgeois, Henry Moore ou Paul McCarthy… ou de pièces trouvées sur eBay ! À l’opposé, Carlos Ishikawa, une toute jeune galerie organise une performance audacieuse de la Lloyd Corporation. Ce regroupement de deux artistes d’à peine 30 ans vendra les œuvres de la galerie au kilo. Frisson garanti ! C’est ce genre de choses qui rendent la foire fascinante et qui montrent bien que Londres reste une place d’invention et de créativité.

FRIEZE
EN 5 DATES
1991  
Naissance du magazine Frieze
2008    Création de Frieze Art Fair et Frieze Foundation
2011 Lancement du magazine bilingue Frieze d/e
2012 Premières éditions de Frieze Masters, Frieze New York et du Frieze Sculpture Park
2015 Nomination de Victoria Siddall à la direction des événements
2016Lancement de Frieze Academy
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