Avec le retrait, à la veille de la vente, des cinq lots phares attendus, tout juste classés trésors nationaux le rouleau du marquis de Sade (1740-1814) et un ensemble de manuscrits autographes d’André Breton (1896-1966), qui devaient être proposés avec faculté de réunion , il est difficile de comparer le produit total obtenu, 3 809 239 €, au montant prévu des estimations. En revanche, tout le monde s’accorde sur un point : il fallait jouer des coudes, mercredi 20 décembre, pour accéder à la salle 1-7 de Drouot ! Et donc non, l’épopée du texte sulfureux du divin marquis ne connaîtra pas encore son épilogue contrairement à ce qui était espéré et évoqué par la Gazette n° 44 du 15 décembre, déroulant cette pièce unique sur sa couverture , Me Aguttes devant entamer dès ce mois de janvier des discussions avec l’État pour négocier son acquisition ainsi que celle des Breton. Ces absences, que le second naufrage du Titanic un témoignage de première main d’une rescapée du paquebot, Candee Helen Churchill , ne doivent pas occulter les résultats obtenus par d’autres lots, émaillés de quelques surprises positives. Tous les espoirs reposaient donc sur Honoré de Balzac (1799-1850) et son manuscrit autographe complet d’Ursule Mirouët, roman écrit en juin-juillet 1841. D’un seul jet, ce texte délivrant une véritable peinture des mœurs imprimait 1 170 000 €. Il était suivi par les 832 000 € de l’histoire d’Alexandre le Grand écrite au Ier siècle par Quinte-Curce, un historien romain, et traduite en français par Vasque de Lucène (vers 1435-1512), «translateur» attiré à la cour de Bourgogne par la duchesse Isabelle de Portugal. Avec ses seize grandes miniatures peintes en grisaille et semi-grisaille attribuables au Maître des grisailles fleurdelisées, peut-être aidé par le Maître de la Toison d’or de Vienne et de Copenhague, l’œuvre était portée à 832 000 €. Napoléon Bonaparte (1769-1821) prenait part à son tour à la bataille des enchères, mais par le biais d’une missive d’amour adressée à Joséphine le 30 mars 1796 depuis Nice, d’où il devait rejoindre l’armée d’Italie. Le tout jeune époux le mariage datait du 9 mars , très épris, déplore cet éloignement forcé, et ce n’est pas sans sourire que l’on découvre ces mots dans lesquels il dit «maudire la gloire et l’ambition qui me tiennent éloigné de l’âme de ma vie». Ce document intime de la geste napoléonienne était emporté à 320 320 €. Un joli moment dans un océan de tumulte.